Politique 6 mars 2018

Les technologues veulent prescrire les pesticides à risque

L’Association des technologues en agroalimentaire (ATA) ne comprend vraiment pas pourquoi la prescription obligatoire des cinq pesticides les plus à risque sera réservée aux agronomes.

L’ATA prédit une « pénurie » de professionnels pour les agriculteurs et somme le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) de rajuster le tir.

« Il [le ministère de l’Environnement] nous enlève du travail », déplore Patrick Sullivan, directeur général de l’ATA, qui précise qu’une centaine de technologues effectuent déjà ce travail en phytoprotection depuis 50 ans. Ces derniers font du dépistage d’insectes et des recommandations.

« Les pesticides sont tellement encadrés au fédéral; on ne peut pas sortir des étiquettes [qui précisent la portée de l’homologation] », souligne Patrick Sullivan, qui ajoute que les technologues suivent également les recommandations du Réseau d’avertissements phytosanitaires et le schéma pour le plan de phytoprotection établi par l’Ordre des agronomes du Québec (OAQ). Bref, les technologues disent pouvoir appliquer toutes les directives relatives aux pesticides et même les recommandations en aval pour en réduire l’utilisation (rotations, travail du sol, etc.).

« On a demandé que ce soit comme en Ontario, que la prescription puisse être signée par un technologue membre de son ordre », précise Patrick Sullivan. L’ATA travaille avec l’Office des professions pour obtenir une meilleure utilisation de tous les professionnels et reproche au MDDELCC de s’immiscer dans un débat interprofessionnel déjà en cours. « La recommandation en phytoprotection telle que l’élaboration d’un plan de phytoprotection ou une justification et une prescription agronomiques sont des actes réservés à l’agronome », a répondu le MDDELCC à La Terre pour expliquer sa décision.

Pour les néonics, l’Ontario exige la recommandation de « conseillers en lutte antiparasitaire » qui ont des compétences « équivalentes » à celles d’un agronome, ce qui ouvre la porte à certains technologues professionnels.

Les cinq pesticides à risque qui devront être prescrits à partir de 2018 ou 2019 sont : l’atrazine, trois néonicotinoïdes (imidaclopride, thiaméthoxame et clothianidine) et le chlorpyrifos. 

Vers une délégation d’actes agronomiques?

« C’est comme chez le médecin; l’infirmière qui vous examine ne va pas signer la prescription », explique d’abord Michel Duval, président de l’OAQ. Il ajoute que les technologues et les agronomes travaillent déjà ensemble et que les derniers supervisent les actes des premiers, pour le dépistage par exemple. Les actes agronomiques sont encadrés dans la Loi sur les agronomes et actes réservés, qui date du début des années 1970. « Si notre proposition de modification de cette loi passe, il y aurait possibilité de déléguer certains actes agronomiques avec ou sans supervision », précise Michel Duval, qui déplore cependant que le projet de loi sur ce sujet ait été constamment reporté depuis 2013. D’autres professions attendent également cette modernisation.