Main-d'oeuvre 26 mars 2023

 « La productivité d’un TET peut droper après cinq semaines et c’est normal » 

KINGSEY FALLS – Les travailleurs étrangers temporaires (TET) vivent habituellement une lune de miel à leur arrivée au Québec; le pays est sécuritaire et les rues sont propres. Mais ils peuvent ensuite vivre un choc culturel qui a un effet sur leur moral et leurs performances, même si ce n’est pas leur première expérience au Québec, explique Céline Auger, directrice du Projet accueil et intégration solidaire. « La productivité d’un TET peut droper après cinq semaines et c’est normal. On peut voir des symptômes de dépression et le système immunitaire s’affaiblir. La bonne nouvelle, c’est que ça ne dure pas », dépeint-elle. 

Le 16 mars, lors d’un colloque en ressources humaines, Céline Auger a présenté un graphique traduisant la baisse de productivité des TET après leur premier mois passé au Québec, puis un retour à la normale par la suite.  Martin Ménard/TCN

Des différences culturelles

Pour minimiser la phase de mal du pays et améliorer l’intégration d’un TET, Céline Auger insiste sur l’importance de comprendre les différences culturelles vécues par les travailleurs. En voici quelques-unes :

La bulle. « Ça ne paraît pas, mais chez les Guatémaltèques, la bulle personnelle est plus grande, et partager une maison avec du monde qu’ils ne connaissaient pas, ça peut être difficile. D’autant plus qu’ils subissent ici les inégalités sociales de leur propre pays. [Les Guatémaltèques provenant de la ville peuvent se montrer supérieurs à ceux provenant des montagnes] », dit-elle, conseillant de vérifier le rapport d’égalité entre eux dans les maisons et d’offrir à chacun un espace sous clé.  

Des détails importants. « Prenez la peine de demander le nom qu’il veut que vous l’appeliez, car Julio Cesar Gonzalez peut vouloir se faire appeler Julio par ses amis et Cesar au travail », indique Mme Auger. « S’il vous offre de la nourriture [et même s’il est probablement plus pauvre que vous], vous l’acceptez. C’est une forme de partage et de remerciement. Et évitez le gaspillage devant eux », indique-t-elle. Les salutations du matin et du départ sont également très importantes pour eux. « Le patron est parti sans me dire au revoir, ça veut dire que je n’ai pas fait un bon travail », peuvent-ils interpréter. 

Les malentendus. Les hommes guatémaltèques ne sont souvent pas habitués à cuisiner ni à faire le ménage de leur maison, constate-t-elle. « Pour éviter les malentendus, mettez par écrit vos attentes pour le ménage de leur logement. Montrez-leur à laver avec de l’eau et du vinaigre, ce qui est moins cher pour eux. Ou payez-leur les produits d’entretien, car souvent, ils ne voudront pas payer pour des produits d’entretien ménager. » Il importe aussi de leur dire que l’eau du robinet est potable au Québec et qu’ils ne seront pas facturés pour l’eau chaude, mais qu’ils ne doivent pas la gaspiller, énumère-t-elle. 

Bien compris? Le travailleur étranger dira souvent oui aux consignes, même s’il ne les comprend pas, parce qu’il ne veut pas décevoir son patron, constate Céline Auger. Elle recommande de le faire répéter la consigne pour en vérifier sa compréhension. Les producteurs qui utilisent leur téléphone pour traduire doivent se méfier, car certains d’entre eux ne savent pas vraiment lire. D’autres parlent un dialecte des montagnes, une variante de l’espagnol que le traducteur de Google ne reconnaît pas bien.

Les critiques. Au travail, il faut éviter les critiques directes envers eux, insiste-t-elle. Certains travailleurs croient que cela signifie que leur patron québécois ne veut plus d’eux. 

La famille. Pour la majorité des TET, la famille est extrêmement importante. « Prenez le temps de demander comment vont les membres de sa famille. Si sa fille a 15 ans, c’est la quinceañera, une fête presque plus importante que le mariage. Il voudra peut-être prendre congé pour la suivre sur Internet », avance Mme Auger.