Actualités 2 novembre 2022

Le petit centre de recherche québécois qui voulait battre les multinationales

SAINT-HUGUES – Au fond de la campagne de la Montérégie, plus précisément dans le 4e rang de Saint-Hugues, se trouve un petit centre de recherche en amélioration génétique qui développe des lignées de blé, d’orge et de soya, avec l’ambition de battre les grandes compagnies ­multinationales de semences. 

« On est en grosse croissance. Nos ventes augmentent de 50 % annuellement. On vend au Québec, mais aussi en Europe de l’Est, en Amérique du Sud, aux États-Unis, etc. Si tu développes les meilleures génétiques, le potentiel de croissance est quasi illimité, car tu peux vendre ton matériel [semences] partout dans le monde. Sky is the limit », dit l’agriculteur Dominique Lanoie, propriétaire et dirigeant de Céréla.

Fait particulier, M. Lanoie s’est récemment entouré de trois noms connus dans le domaine. Le directeur des ventes, Pierre Lanoie, a travaillé 22 ans pour Monsanto. Le directeur de la recherche, Éric Gagnon, a été directeur du centre de recherche de Prograin. Puis, Jean-Marc Montpetit, qui a été longtemps améliorateur chez Dupont-Pioneer, occupe aujourd’hui le poste de conseiller à l’intégration de la sélection génomique et prédictions chez Céréla. Ce groupe de vétérans souhaite accélérer le développement de nouvelles variétés et leur commercialisation sur cinq continents. 

Voir grand

Lors d’une visite des bureaux de Céréla, La Terre a demandé comment un petit centre de recherche comptant une douzaine d’employés s’y prend pour aspirer à se démarquer des centres de recherche gouvernementaux et même des laboratoires des compagnies étrangères. « On s’efforce d’être novateur et efficace, que ce soit aussi facile de faire le business avec nous autres; on ne demande pas de contrats de 12 pages pour utiliser nos variétés », explique Dominique Lanoie. 

Son coéquipier Éric Gagnon indique qu’un petit centre de recherche privé est condamné à être performant et doit créer rapidement ses variétés. « Nous, pour qu’il rentre de l’argent, il faut que nos variétés performent et soient achetées. Il faut qu’on développe plus rapidement. Les centres de recherche publics et parapublics, ils ne sont pas sur la même gear que nous », affirme-t-il, indiquant que l’entreprise a acquis de l’équipement performant dans le laboratoire pour suivre les gènes à la trace et développer des marqueurs pour différentes maladies comme la fusariose. « On est en train de monter un système de prédiction basé sur les algorithmes pour identifier les lignées qui ont un potentiel commercial. On va utiliser ce que les compagnies de semences de maïs ont fait [pour augmenter les rendements] et le faire dans le blé, l’orge, l’avoine, le soya et peut-être le chanvre et le seigle », indique M. Gagnon.  

Céréales d’automne

Céréla veut miser sur le développement des céréales d’automne, qui sont recherchées au Québec et à travers le monde. La compagnie espère développer des variétés en deux ou trois ans avec sa technologie, alors que le procédé prendrait presque 10 ans traditionnellement. « Les Européens ont une coche sur nous dans les céréales d’automne, mais le retard est récupérable », assure M. Lanoie. 

L’entreprise veut aussi utiliser l’édition génomique, différente de la modification ­génétique, afin de prioriser des caractères précis, par exemple la résistance à une maladie.  « Les Européens ne veulent pas entendre parler [de ce genre de ­technologie]. Ils se privent d’une belle ressource », ajoute Éric Gagnon.

Jusqu’en Afrique

Céréla s’affaire à développer différents marchés, dont l’Ukraine, l’Australie, le Kazakhstan et même l’Afrique. « Depuis la COVID, les pays veulent être autonomes. On a des pourparlers avec l’Afrique. Le potentiel est bon », mentionne le propriétaire. 

L’entreprise mise aussi sur des partenariats avec des universités américaines pour distribuer des variétés, notamment d’avoine, qu’elles développent, mais aussi pour faire tester par ces universités les variétés développées par Céréla.