Actualités 26 octobre 2022

La consanguinité des vaches laitières Holstein sous la loupe

Le niveau de consanguinité des vaches laitières Holstein, qui résulte d’accouplements apparentés, croît plus rapidement depuis 2010, avec l’arrivée de la génomique. Si l’industrie canadienne travaille à prévenir de potentiels effets négatifs, certaines fermes, surtout aux États-Unis, disent constater une baisse de la fertilité et de la santé de leurs vaches, qu’ils associent au phénomène.

Ce texte provient d’un dossier sur la consanguinité paru dans l’édition du 26 octobre 2022.

Les génisses de race Holstein nées en 2021 au Canada présentent un taux de consanguinité moyen de 8,86 %, soit une proportion en hausse de plus de 2,5 % depuis une décennie, révèle un récent rapport de l’organisme canadien de contrôle laitier Lactanet. Pour l’instant, il n’y a pas lieu de paniquer, estime le responsable des services d’évaluation génétique, Brian Van Doormaal, mais il admet que des solutions devront être trouvées pour ralentir le rythme de croissance actuellement trop rapide, selon lui. « En bas de 10 %, il n’y a pas d’impact important, mais si ça continue d’augmenter [à cette vitesse], il peut y avoir des effets négatifs dans les troupeaux sur la reproduction, le taux de survie, la longévité ou la fertilité », énumère-t-il, précisant que l’indice établi à 8,86 % est une moyenne. Certains animaux peuvent avoir un niveau plus élevé de consanguinité. 

« La tendance [de croissance] n’est pas un problème, nuance l’expert. Ce qu’il faut regarder, c’est la pente de cette augmentation. Chaque quatre ans, le taux d’augmentation est de 1 %. Ce taux-là est important. » 

Le taux de consanguinité des génisses progresse plus rapidement depuis 2010 que durant la décennie précédente, avec l’arrivée de la génomique, une technologie qui permet l’identification des animaux les plus performants à un jeune âge et qui a rendu très populaires certaines lignées de taureaux. Pour obtenir des filles de plus en plus performantes, les éleveurs choisissent la semence des meilleurs mâles, qui ont souvent des ancêtres communs. « À l’ère génomique, c’est très difficile de trouver des sujets qui ne sont pas apparentés pour la reproduction. Les sujets supérieurs dans plusieurs pays sont maintenant apparentés, parce que beaucoup de semences se vendent à l’international », explique M. Van Doormaal.  

Des croisements de races aux États-Unis

Aux États-Unis, le Council on Dairy Cattle Breeding, un organisme d’évaluation génétique des troupeaux laitiers, fait état d’un indice de consanguinité des jeunes vaches Holstein qui est passé de 5,89 % en 2012 à 9,15 % en 2021. Il s’agit d’un taux moyen un peu plus élevé qu’au Canada et en Europe. 

Brian Van Doormaal
Brian Van Doormaal

Les effets négatifs dans les élevages se feraient d’ailleurs sentir davantage chez nos voisins du sud, selon ce que remarque Stéphane Fitamant, directeur de l’entreprise danoise Procross, qui propose un programme de croisement de vaches Holstein avec d’autres races laitières. Ce programme, appuyé par des études menées par l’Université du Minnesota, permet de freiner tout risque d’accouplement apparenté, les femelles n’ayant pas d’ancêtre commun avec les mâles. 

La majorité des clients de Procross sont des fermes américaines de grande taille qui observaient, dans leur troupeau Holstein de race pure, des problèmes de fertilité et de santé qu’ils associaient à la consanguinité trop élevée de leurs animaux. Avec les croisements de races, ils cherchent à améliorer leurs performances et à faire des économies en réduisant la consanguinité.

M. Fitamant concède néanmoins que cette solution demeure peu préconisée, bien qu’il observe une ouverture croissante des éleveurs à l’essayer. Un peu plus de 5 % de la population de vaches laitières aux États-Unis serait croisée. En Europe, des fermes adoptent aussi les croisements de races, mais elles sont moins nombreuses. Au Canada, elles sont encore plus rares. « On le voit, qu’il y a encore de la frilosité. Ça va à l’encontre des schémas de sélection en place. C’est évident que les centres d’insémination qui font de la sélection en race pure, ça ne leur plaît pas. C’est opposé à ce qu’ils ont toujours dit. »

Un nouvel outil

Lactanet Canada, pour contrer de potentiels effets négatifs de la consanguinité, travaille plutôt au développement d’un nouvel outil pour aider les producteurs laitiers à gérer chaque accouplement en race pure, explique Brian Van Doormaal. L’organisme espère leur permettre, avec ce logiciel, de choisir avec précision les taureaux qui répondent à leurs besoins en sélection génétique tout en étant le moins apparentés possible avec leurs vaches laitières.

La consanguinité en bref

La consanguinité découle de l’accouplement apparenté d’un mâle et d’une femelle. C’est la proportion du code génétique issu d’ancêtres communs dans la généalogie d’un animal. Chaque sujet possède un taux de consanguinité qui n’est pas cumulatif au fil des générations. Il est possible de l’abaisser, en croisant une femelle avec un taureau peu apparenté.


Un réel danger?

Mario Séguin
Mario Séguin

Comme quelques autres de ses confrères qui participent à des expositions de bovins laitiers d’envergure année après année, l’éleveur Pierre Boulet, de Montmagny, ne voit pas la hausse du taux de consanguinité des animaux comme un danger. « Je pense qu’avec la génomique, on a toutes les informations nécessaires et tous les outils pour faire les bons choix. Tu sais tes résultats avant que les veaux arrivent, avec le pourcentage de consanguinité. On est capables de faire attention à ça », dit-il. 

Mario Séguin, expert en production laitière chez Lactanet qui a longtemps travaillé sur l’amélioration génétique, tient un discours similaire. « On a un logiciel évolué qui calcule la consanguinité des animaux et qui fait tous les liens généalogiques depuis les années 30. […] Il peut arriver des mutations [avec les accouplements apparentés] qui vont créer des gènes défavorables, par exemple à la fertilité, mais on peut identifier rapidement ces gènes avant qu’ils aient un impact sur la race », assure-t-il.

L’éleveur Pierre Boulet ne s’inquiète pas de la hausse de la consanguinité, estimant que la génomique offre déjà toute l’information nécessaire pour faire les bons choix de semence pour l’insémination. Photo : Carl Saucier
L’éleveur Pierre Boulet ne s’inquiète pas de la hausse de la consanguinité, estimant que la génomique offre déjà toute l’information nécessaire pour faire les bons choix de semence pour l’insémination. Photo : Carl Saucier

Pas de lien clair 

Chez Holstein Québec, la conseillère et agronome Geneviève Drolet fait remarquer de son côté que le lien entre la consanguinité et les effets négatifs qu’observent certains éleveurs, notamment par rapport à la fertilité et à la santé de leur troupeau, est difficile à établir clairement. D’autres facteurs, dit-elle, peuvent aussi expliquer ces problèmes.


Ce texte provient d’un dossier complet sur la consanguinité dans la race Holstein, paru dans l’édition du 26 octobre 2022 de La Terre de chez nous.