International 25 juillet 2023

L’aventure brésilienne d’un géant québécois du veau

Il y a dix ans, Fabien Fontaine, président et fondateur de Préval AG, une entreprise intégrée spécialisée dans la production, la transformation et la commercialisation de veaux et d’agneaux en Amérique du Nord (qui comprend la division Délimax et qui commercialise sous diverses marques, dont Montpak International et Famille Fontaine), a démarré un projet dans une petite ville de l’état de Sao Paulo, au Brésil. Ce pays a la particularité d’avoir une importante industrie laitière, qui s’arrime à sa vaste population. Pourtant, celle-ci est peu friande de veau. « La valeur de cet animal, au Brésil, tourne autour de 20 à 30 $. Alors qu’au Canada, ça tourne ces jours-ci autour de 400 $. Vous imaginez que dans la tête d’un homme d’affaires comme Fabien Fontaine, ça donne des idées! », lance Luis Augusto Silva. Brésilien d’origine et spécialiste des marchés d’exportation, M. Silva a été recruté par Fabien Fontaine il y a une dizaine d’années pour l’aider à développer le marché du veau là-bas.

« On a commencé avec une ferme modèle, subventionnée par le gouvernement brésilien, car lui aussi a un intérêt à donner un destin plus noble aux petits veaux, qui bien souvent finissent à l’équarrissage », indique M. Silva. Depuis, la ferme produit environ 1 200 veaux par année, qu’elle achète, élève puis revend aux abattoirs, qui les commercialisent sous la marque Montpak, localement et sur les marchés d’exportation. « On essaie de faire des exportations dans les marchés où le produit de veau canadien est trop dispendieux. Car les coûts de production sont moindres au Brésil, donc on est capables d’offrir des produits Montpak d’aussi bonne qualité, mais à meilleur prix », révèle celui qui est également directeur et copropriétaire de la maison de commerce CB Trading House (voir texte ci-contre). 

Fabien Fontaine, président et fondateur de Préval AG, et son partenaire brésilien Odorico Barbosa (à gauche), directeur de la Laiterie Jussara. Photo : Gracieuseté de Préval AG

Une association gagnante

Pour s’installer ainsi au Brésil, l’entreprise québécoise n’avait qu’une condition à remplir : celle de nommer un « résident brésilien ». « Ce n’est pas nécessaire d’être un citoyen brésilien. Ça peut être un Canadien qui va résider là-bas, mais ça prend un responsable sur place pour que le gouvernement puisse obtenir des informations s’il a besoin de le faire », informe M Silva.

Au début du projet, la gestion de la ferme brésilienne était toutefois très complexe et coûteuse, rapporte-t-il. « Mais ce n’est pas vrai que le Brésil est plus compliqué que les États-Unis, tient-il à nuancer. Je dirais même que c’est l’inverse, mais les Québécois connaissent mieux les règles américaines, parce qu’ils transigent avec les États-Unis depuis toujours. Pour le Brésil, il faut apprendre », juge-t-il. Pour alléger les affaires de l’élevage, M. Silva a suggéré à M. Fontaine de s’associer avec un important transformateur laitier brésilien, soit la Laiterie Jussara. Ce dernier détient maintenant 50 % des parts de la ferme et peut gérer une grande partie de la paperasse ou fournir des services, comme les soins vétérinaires ou les transports. « La vie est beaucoup plus simple depuis. J’appelle la compagnie, je demande : « Peux-tu envoyer un camion au port pour aller chercher ça? » C’est comme si je m’adressais à Fabien, mais là-bas. On est donc devenus aussi efficaces qu’une compagnie brésilienne pour gérer les affaires courantes, mais toute l’expertise dans la gestion de l’élevage de veaux est assumée par la partie québécoise », résume-t-il. 

Croissance plus lente que prévu

Le défi reste toutefois de taille pour démocratiser la consommation de cette viande dans ce pays de près de 220 M d’habitants. « Ça demande des centaines de millions de dollars pour faire connaître le produit, et c’est très difficile. Il faut avoir l’appui d’autres organisations, comme des regroupements de producteurs de viande, car on ne peut pas y arriver seuls », indique M. Silva.  

La Chine : un marché instable qui reste indispensable

Martin Lavoie, directeur général du Groupe Export agroalimentaire, remarque que les entreprises agroalimentaires québécoises sont moins nombreuses qu’avant à lever la main pour amorcer des activités de développement de marché en Chine. « S’il y avait un rattrapage postpandémie à faire, ça montre que les entreprises ont misé sur d’autres priorités », remarque-t-il. Il n’en demeure pas moins que ce marché reste très intéressant pour des produits comme le porc, où certaines coupes boudées ailleurs peuvent être vendues à bon prix. « C’est un marché qui reste instable sur le plan politique, mais qui va toujours être très intéressant pour nous sur le plan économique. On ne peut pas le mettre de côté », confirme Richard Davis, ancien vice-président des ventes et du marketing chez Olymel. De son côté, Sylvain Dufour, de l’entreprise Fruit d’Or, insiste sur le fait qu’attaquer un marché comme celui de la Chine n’est pas donné à tout le monde. « C’est un pays qui exige beaucoup sur le plan réglementaire, et tout manquement, par exemple dans un formulaire, est quelque chose qui peut faire très mal. Il faut aussi être en mesure de livrer la marchandise, car un client peut commander à lui seul 4 ou 5 M de canneberges séchées! » illustre-t-il.