International 11 janvier 2018

Le glyphosate finalement réautorisé en Europe

Après deux ans de débats houleux, l’herbicide à base de glyphosate créé par Monsanto a de nouveau été autorisé par l’Union européenne (UE) pour une période de cinq ans.

Les 28 pays de l’Union ont pris cette décision le 27 novembre. Le vote pour la prolongation du poids lourd démographique allemand, qui a été qualifié de « décisif » par Le Monde, n’était pas acquis au début novembre. Il fallait obtenir l’aval d’au moins 16 pays qui représentent 65 % de la population. Il y aura finalement eu 18  pays pour, 9 contre et une abstention.

Le débat européen survient alors que le groupe allemand Bayer est en passe d’acheter Monsanto, le créateur de l’herbicide au glyphosate. L’entreprise allemande se veut rassurante. « Si l’acquisition [de Monsanto] se concrétise réellement au printemps 2018, nous allons reprendre en main le dossier avec toutes les initiatives de transparence […] et un travail en collaboration avec toutes les autorités de tutelle », a soumis Franck Garnier, président de Bayer France, tel que rapporté par La France Agricole. Ce dernier promet également d’intensifier les recherches de solutions de rechange, mais estime que rien ne remplace cet herbicide pour le moment.

La France, qui a voté contre, souhaite maintenant passer une autorisation de trois ans seulement sur son territoire. « J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des solutions de remplacement auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans », a déclaré le président Emmanuel Macron sur Twitter.Plus d’un million d’Européens ont par ailleurs signé une pétition officielle demandant à l’Union européenne d’interdire le glyphosate. Plusieurs groupes écologistes penchaient également dans ce sens.

Manque de solutions de rechange

Plusieurs groupes d’agriculteurs s’inquiètent du manque de solutions de remplacement et du risque de nuire à la compétitivité des producteurs européens. « L’interdiction va créer une distorsion de concurrence qui va nous conduire dans une impasse », a déclaré Éric Thirouin, secrétaire général adjoint de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), dans une entrevue au journal Le Monde. Il ne comprend pas la position du président Macron puisque celui-ci est habituellement un partisan de l’UE. La FNSEA évalue le surcoût du bannissement du glyphosate à 2 G€
par an.

Étude controversée

La controverse sur le glyphosate dure depuis quelques années. À l’origine de celle-ci se trouve une étude du Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé, qui estime que cet agent est probablement cancérigène. L’Autorité européenne de sécurité des aliments et deux autres instances européennes n’ont toutefois pas validé cet effet sur la santé humaine.

Monsanto réfute catégoriquement l’hypothèse que le glyphosate puisse être cancérigène et rappelle que de nombreuses autorités réglementaires ont approuvé le produit. « L’autorité réglementaire européenne [EFSA] est sortie avec une revue scientifique qui appuie fortement la sécurité du glyphosate. Le système européen permet toutefois aux politiciens de commenter et de voter. Les politiciens n’ont pas à appuyer ce que les agences réglementaires confirment », a commenté Trish Jordan, porte-parole de Monsanto au Canada. Cette dernière ajoute que la prolongation de cinq ans par l’UE est « positive », mais que rien n’empêchait d’autoriser le glyphosate pour 15 ans, comme le Canada vient de le faire. 

Au cœur d’un procès américain

Les tribunaux américains sont également préoccupés par un débat sur le glyphosate. Une poursuite de 3 500 victimes ou proches de victimes du cancer aux États-Unis a mis au jour divers documents de Monsanto. Le journal Le Monde a analysé ce qu’il appelle les « Monsanto papers » et affirme que ceux-ci remettent en cause la crédibilité de certaines études de la multinationale. Le New York Times rapportait déjà en mars dernier qu’une cause entendue à la cour fédérale de San Francisco avait permis de mettre au jour des documents de Monsanto suggérant que l’entreprise aurait utilisé la méthode de l’auteur fantôme (ghostwriting) pour des études qui ont été approuvées plus tard par des scientifiques.

Monsanto a nié l’accusation de ghostwriting aux États-Unis et souligne que les articles sont de toute façon révisés par des pairs une fois publiés. « Je ne publierais pas un document écrit par quelqu’un d’autre », a déclaré au New York Times David Kirkland, un des scientifiques en cause dans les documents cités.

Le Canada confirme l’homologation du glyphosate

Au Canada, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) a prolongé pour 15 ans l’homologation du glyphosate à des fins de vente et d’utilisation. Dans sa décision du 28 avril 2017, l’agence fédérale estime qu’il n’y a « aucun risque » pour la santé humaine ou l’environnement. L’ARLA rappelle que l’étude du Centre international de recherche sur le cancer indiquait que le glyphosate est un agent « probablement cancérigène », mais n’a pas tenu compte du niveau d’exposition humaine qui détermine le risque réel. L’ARLA a prolongé l’homologation du glyphosate après sept ans et la révision de plus de 3 000 études.