Acériculture 19 mars 2023

Début des sucres : l’eau est plus sucrée qu’à l’habitude

Les cinq acériculteurs suivis par La Terre ont démarré leur évaporateur pratiquement au même moment, en dépit du fait qu’ils sont situés dans des régions complètement différentes. Il s’agit d’une situation rarissime. Tous constatent par ailleurs que l’eau est plus sucrée qu’à l’habitude. Voici le deuxième suivi de leur saison 2023.

Francis Roy, Chaudière-Appalaches

Objectif de rendement : 5 lb/entaille
Nombre d’entailles : 70 000 entailles
Fin de l’entaillage : 1er mars
Première évaporation : 15 mars

« On n’a pas le choix d’allumer; je suis plein! J’ai assez d’eau pour faire au-dessus de

 30 barils. Je start ça aujourd’hui! » lance Francis Roy, de Saint-Côme–Linière, qui exploite un total de 70 000 entailles réparties sur quatre sites. « L’eau est sucrée, à 2 degrés Brix. J’ai déjà vu des années où, au début, l’eau était à 0,8 degré Brix », précise-t-il.  Les deux prochaines semaines seront tranquilles, anticipe cependant M. Roy. « Il nous manque une couple de degrés. Il fait juste 1 °C. Ça va taponner encore deux semaines avec cette météo. Mais après, je pense que les sucres vont se faire vite : les chemins sont déjà dégelés, les ruisseaux coulent à plein. Il n’y a pas eu de grands froids… Les arbres semblent gorgés d’eau.  C’est un bon départ. Est-ce que ce sera une grosse saison? C’est au mois de mai qu’on va le savoir! » 

Les frères Laprise, Centre-du-Québec

Objectif de rendement :  3,5 lb/entaille
Nombre d’entailles : 29 000
Fin de l’entaillage : 24 février
Première évaporation : 14 mars

Les frères Laprise avaient le sourire au téléphone, le 15 mars. « On a fait nos premiers barils hier, dit Carl. On en a fait quatre. Tout marchait bien. Et l’eau était très sucrée, à presque 2 degrés Brix. Pour nous autres, c’est excellent. Si on était amanchés de même toute l’année, on doublerait notre production, car en général, l’eau est en bas de 1 degré Brix. Alors, quand il rentre 7 000 gallons d’eau, on sort habituellement deux barils, ce qui n’est vraiment pas beaucoup, mais hier, quatre, c’est inhabituel. » Il constate que les érables ne se « réveillent pas vite », puisque même des journées ensoleillées de 6 °C n’ont pas généré de coulées significatives. « Trop de neige peut-être », analyse Carl Laprise. Les deux frères n’ont pas conservé l’eau des nombreuses petites coulées du dernier mois. « On ne veut pas que l’eau stagne et gèle dans nos tuyaux souterrains. Et garder de l’eau sur 10 jours et plus, ça n’a pas d’allure, alors on n’a rien gardé », partage-t-il. Au moment de l’entrevue, leur système de collecte d’eau atteignait un vacuum de 18. « On garde ça à 18 pour l’instant, car on n’a pas pu faire nos microfuites, et si on pompait plus haut, l’eau aurait gelé et on aurait perdu une journée de coulée », explique l’acériculteur de Lemieux.   

Pascale Malenfant, Bas-Saint-Laurent

Objectif de rendement :  4 lb/entaille
Nombre d’entailles : 3 000
Fin de l’entaillage : 1er mars
Première évaporation : 16 mars

« Demain [le 16 mars], j’aurai une grosse journée de bouillage, car j’ai eu une bonne coulée la fin de semaine dernière et je cumulais du concentré. C’est plein; il faut bouillir, commente Pascale Malenfant. Ça commence plus tôt que je pensais, cette année! Je n’avais jamais commencé à cette date. Habituellement, c’est plus à la fin mars ou au début avril », dit celle qui ressent toujours des papillons la première fois qu’elle allume son évaporateur. « C’est un bon hype d’adrénaline, un mélange de nervosité et d’excitation. Ça me fait tout le temps ça », décrit l’acéricultrice de Sainte-Rita, au sud-est de Trois-Pistoles.  « L’eau est super sucrée, à 2,5 degrés Brix. C’est une bonne nouvelle. C’est moins d’ouvrage à concentrer », souligne-t-elle. Ses trois jeunes enfants apprécient l’eau sucrée, et le sirop, évidemment! « Ils aiment ça voir les réservoirs se remplir. Le plus vieux a juste sept ans, mais ils sont déjà des pros pour goûter le sirop. Le soir, il faut les mettre dans la douche pour décoller le sirop qu’ils ont partout », raconte-t-elle en riant.   

David Bourdeau, Montérégie

Objectif de rendement :  6,5 lb/entaille
Rendement en date du 15 mars : 1,2 lb/entaille
Nombre d’entailles : 12 000
Fin de l’entaillage : 27 février
Première évaporation : 18 février

Après une première production de sirop le 18 février, la température s’est refroidie, et David Bourdeau a décidé de retarder le reste de son entaillage pour maximiser la fraîcheur des entailles restantes.  Les coulées ont ensuite été modestes, et l’acériculteur de Havelock, au sud de Montréal, totalise jusqu’à maintenant un rendement de 1,2 livre à l’entaille. « C’est correct, mais on commence à avoir hâte que ça coule pour vrai! On dirait que plus ça va, plus le début des sucres se tasse. Au moins, l’eau est assez sucrée, à près de 2,3 degrés Brix », fait-il remarquer. Les coulées des derniers jours lui ont permis d’avancer l’étanchéité de son système de collecte d’eau, qui affiche un vacuum fort respectable de 28. L’acériculteur fait part d’un sirop qui était particulièrement difficile à filtrer.  « On a deux grosses presses. Habituellement, on fait au minimum une vingtaine de barils avant de les laver, mais là, après seulement 4-5 barils, c’était jammé. » L’acériculteur a de meilleurs mots pour son nouvel évaporateur.  « Ça bouille très bien. C’est le jour et la nuit avec celui qu’on avait avant, car l’an passé, je faisais 40 gallons à l’heure. Maintenant, même avec de l’eau moins concentrée, je fais 70 gallons à l’heure », se réjouit-il.   

Alexandre Bourdeau, Outaouais 

Objectif de rendement :  5 lb/entaille
Nombre d’entailles : 23 000
Fin de l’entaillage : 5 mars
Première évaporation : 15 mars

« Ça ne coulait quasiment pas, mais j’ai accumulé assez d’eau et mon premier bouillage est ce soir [le 15 mars]! » dépeint Alexandre Bourdeau, dont l’érablière est située en terres publiques à Lac-Simon. Les derniers jours lui ont apporté environ 19 000 litres d’eau quotidiennement, lui permettant enfin d’allumer le feu pour bouillir les 23 000 litres d’eau concentrée qu’il avait accumulés. Techniquement, il n’est pas en retard. Sa saison est habituellement du 15 mars au 15 avril, mais il aurait souhaité produire des volumes supplémentaires de sirop avant le 15 mars. « Les prévisions météo nous annonçaient des 3 ou 4 °C, mais il faisait plutôt 1 ou 2 °C et -7 °C la nuit, avec de la neige. Ça veut dire pas de soleil. C’est pour ça qu’on a reçu des miettes [d’eau d’érable] », explique-t-il. La nature peut quand même croire qu’elle a été généreuse envers lui, puisque des ours et des pics-bois sont venus lui rendre visite pour perforer ses maîtres-lignes…