Environnement 26 avril 2023

Les cultures pérennes restent une valeur sûre à la Ferme Bovitom

« Avec les changements climatiques, les canicules seront un problème, mais les variations de température ne sont pas moins pires », lance d’entrée de jeu Tommy Cyr, producteur de bovins et de grandes cultures à la Ferme Bovitom en Gaspésie. « On a dû s’adapter pour assurer la survie des prairies. Beaucoup de producteurs de la région ont changé leurs mélanges fourragers pour des graminées et des légumineuses plus résilientes à la chaleur, comme la fétuque, le brome, la luzerne et le lotier », relate l’agriculteur de 4e génération, qui cultive 310 acres en production fourragère, 120 acres en pâturage et 110 acres en production céréalière.

En marge des cultures fourragères et céréalières de la ferme, 120 acres sont consacrés au pâturage.

La chaleur intense n’affecte toutefois pas que les végétaux… « Avec M. Cyr, on s’est penchés sur des solutions de confort pour ses animaux, comme le fait d’aménager et de conserver des bordures d’arbres à proximité des aires de pâturage, en plus d’allées qui permettraient de ramener facilement le troupeau à l’étable sous conditions extrêmes », explique l’agronome Brigitte Gravel, du Club agroenvironnemental de la Gaspésie-Les Îles, qui assiste M. Cyr dans sa démarche avec Agriclimat. « L’hydratation est une autre considération. Il faut offrir un système de pâturage comportant plusieurs abreuvoirs de proximité, offrant un débit d’eau suffisant et une eau de qualité. Ça fait partie des réflexions soulevées dans le cadre du diagnostic », souligne Mme Gravel.

Autre défi logistique pour le producteur : la gestion des enclos d’hivernage de son cheptel de 90 vaches. « Avant, les premières gelées commençaient tôt en novembre, ce qui nous permettait d’avoir un sol portant qui facilitait la gestion du fumier. Mais quand ça ne gèle pas, la qualité du sol est mauvaise. L’après-midi, la neige se change en pluie et on se retrouve dans la boue. On doit écurer à répétition et étendre beaucoup de litière pour essayer de garder les animaux propres », confie l’agriculteur, qui dit épandre près de 600 balles de paille par année.

Maintenant, on atteint presque un plateau où, si on change nos pratiques culturales, qu’on améliore la structure de nos sols et qu’on maintient nos cultures pérennes plus longtemps, on va tendre vers un équilibre. Mais on ne captera pas nécessairement du carbone.

Tommy Cyr, Ferme Bovitom

À l’école du bilan

En marge des ajustements déjà amorcés par M. Cyr, l’exercice du bilan carbone s’est avéré tout aussi éducatif que surprenant. « Je croyais que nos sols, nos prairies de foin et nos pâturages captaient beaucoup de CO», raconte l’agriculteur. « Je pensais que mon carburant, la machinerie, ou l’achat d’intrants comme le plastique pour l’enrobage, seraient mes plus gros postes d’émissions. Mais ça ne représente qu’une infime partie », s’étonne M. Cyr. Pour sa ferme, la fermentation entérique représente environ 55 % de la production de GES, le deuxième poste étant la gestion des fumiers. « Les fumiers accumulés longtemps produisent plus de méthane et de N2O que ceux qui sont sortis fréquemment. Le fait que j’écure souvent est donc bénéfique au niveau des émissions de GES », illustre M. Cyr, qui se démarque avantageusement par rapport à d’autres fermes qui écurent leur bâtiment moins souvent. 

La perte de carbone des sols, un élément déterminant dans sa région, est un autre point qui interpelle le producteur. « En Gaspésie, nos terres sont relativement jeunes. Elles étaient des forêts avant de devenir des champs. Quand on prend des forêts pour en faire des champs, on stimule la libération du carbone; c’est un processus qui se fait sur plusieurs décennies et nos sols en libèrent encore », explique l’agriculteur. « Maintenant, on atteint presque un plateau où, si on change nos pratiques culturales, qu’on améliore la structure de nos sols et qu’on maintient nos cultures pérennes plus longtemps, on va tendre vers un équilibre. Mais on ne captera pas néces sairement du carbone », résume-t-il, se basant sur une équation éloquente pour étayer son raisonnement. « Ma ferme produit 665 tonnes d’équivalent CO2. J’en séquestre 56 tonnes. Donc ma ferme produit 609 tonnes d’équivalent CO2. On est encore loin d’atteindre la carboneutralité. »

Pour M. Cyr, une partie de la solution consiste à optimiser le modèle de culture qui répond à ses besoins d’élevage. « Les producteurs de bovins ont besoin de fourrages et de pâturages de qualité et productifs. Pour atteindre cet objectif, ils font déjà de bons gestes et pourraient bonifier leurs pratiques », conclut-il. 

FERME BOVITOM
Représentée par :

 Tommy Cyr

Production :

Bovine (vache-veau et bouvillons en engraissement) et grandes cultures

Conseillère :

Brigitte Gravel (Club agroenvironnemental de la Gaspésie-Les Îles)

Partenaire régional Agriclimat :

Germain Babin, Fédération de l’UPA de la Gaspésie-Les Îles


Qu’en dit la science ?

À l’horizon 2050, en Gaspésie, la durée de l’hiver sera raccourcie et l’alternance d’épisodes de pluie et de neige sera plus fréquente. La neige sera présente moins longtemps et en moins grande quantité, conditions comportant des défis pour la gestion des animaux élevés à l’extérieur. La survie à l’hiver des plantes fourragères pourrait également être affectée par endroits.