Environnement 26 avril 2023

Le rendement est dans le pré à la Ferme Bovicole

Jean Lambert est un homme de conviction et il ne fait pas les choses à moitié. Le propriétaire de la Ferme Bovicole, qui déploie des approches « vertes » depuis plusieurs années, explore de nouvelles pistes grâce au projet Agriclimat.

Participant enthousiaste de la première heure, l’entrepreneur de Saint-Nicolas relate son parcours au sein d’Agriclimat. « Au tout début du projet, en 2017, des modèles climatiques étaient présentés pour anticiper de quoi aurait l’air notre région en 2050. On a travaillé sur les menaces et les opportunités de chacune des principales productions agricoles et étudié différents scénarios. On a répondu à différentes interrogations telles que “Les saisons plus longues et plus chaudes vont-elles nous amener de nouveaux ravageurs?” En 2021, Agriclimat a continué la lutte contre les changements climatiques, qui a donné lieu à la mise en place du réseau des fermes pilotes. J’ai naturellement levé la main pour être une ferme pilote en Chaudière-Appalaches », raconte l’agriculteur.

Le pâturage intensif, qui consiste à déplacer les vaches plusieurs fois par jour, permet de leur assurer un apport continuel en fourrage de qualité.

Plusieurs surprises

Fort des connaissances acquises à travers le projet, M. Lambert entretenait des attentes modestes face à son bilan de gaz à effet de serre (GES). « Avec les données que je voyais depuis le début, je me doutais qu’il n’était pas facile d’être carboneutre. » Son bilan carbone a révélé l’impact positif de plusieurs pratiques adoptées à sa ferme. « M. Lambert partait sur de bonnes bases et cela s’est traduit dans son bilan carbone, qui est inférieur à celui de plusieurs autres fermes participantes », confirme Dominique Fiset, agronome chez Fertior, qui assiste la Ferme Bovicole dans son processus. « Le pâturage intensif est un élément important. Il consiste à déplacer les vaches plusieurs fois par jour, ce qui leur assure un apport continuel en fourrage de qualité. Le semis direct et le maintien de sols couverts en permanence lui donnent aussi une longueur d’avance », ajoute l’agronome. 

Contrairement à ce qu’on observe dans la province, le taux de matière organique des champs de la Ferme Bovicole est resté stable depuis le début des années 2000, mais M. Lambert reste humble devant ce constat, rappelant que cet aspect ne représente qu’une composante de l’équation. « Les plantes captent du carbone durant leur croissance. Augmenter davantage la séquestration de carbone dans mes sols pourrait-il contrebalancer une partie des GES produits par les autres activités de ma ferme? » se questionne l’agriculteur. Le projet Agriclimat suscite ces réflexions et propose d’approfondir les avenues spécifiques à la ferme avec la collaboration des conseillers en agroenvironnement et des autres experts qui accompagnent la ferme.

Des cibles pour son élevage

La régie du troupeau et la gestion du fumier soulèvent de nouvelles pistes d’intervention pour l’éleveur. « Le parc d’engraissement où j’hiverne les animaux est un ancien bâtiment doté d’une fosse à lisier liquide située directement sous le bâtiment. Durant l’été, le lisier devient chaud et dégage plus de GES, tout particulièrement du méthane », explique M. Lambert. De manière générale, la gestion solide des fumiers émet moins de GES que la gestion liquide. Une importante réorganisation structurelle serait requise si M. Lambert voulait modifier son mode de gestion des déjections animales. Le producteur agricole évalue donc le pour et le contre d’un tel changement.

On a longtemps véhiculé qu’après un certain temps, les prairies ne poussent plus, ce qui est faux. J’ai des prairies de plus de 20 ans!

Jean Lambert, Ferme Bovicole

En matière de gestion du troupeau, l’amélioration de la conversion alimentaire et la réduction de la fermentation entérique font partie des pistes envisagées. « On peut augmenter les kilos produits par vache en semi-finissant nos veaux. On y travaille déjà », affirme le producteur. Réduire la fermentation entérique par l’ajout de matières grasses provenant de sous-produits est une autre action considérée par M. Lambert. 

Les GES et les finances

Considérant les différentes facettes de son exploitation, Jean Lambert est catégorique : il est possible de concilier intérêts économiques et réduction des GES. « Mon pâturage intensif est économiquement rentable et il améliore mon bilan carbone », soutient-il. « Entretenir une prairie permanente, en plus d’éviter de retourner continuellement la terre, améliore aussi mon bilan », insiste l’agriculteur, déboulonnant du coup une vieille idée reçue. « On a longtemps véhiculé qu’après un certain temps, les prairies ne poussent plus, ce qui est faux. J’ai des prairies de plus de 20 ans! » argumente M. Lambert, qui attribue cette longévité à une méthode déjà utilisée dans ses pâturages. « Lorsque les légumineuses ont disparu ou que les graminées n’ont pas assez poussé, je fais simplement un sursemis avec un petit semoir. » 

Plusieurs pratiques de conservation des sols, en plus du sursemis dans ses prairies, l’amènent à réduire au maximum tout le travail du sol. Une formule gagnante sur tous les fronts.

Ferme BOVICOLE
Représentée par :

Jean Lambert

Production :

Vache-veau

Conseillère :

Dominique Fiset (Fertior)

Partenaire régional Agriclimat :

Isabelle Lessard, Fédération de l’UPA de Chaudière-Appalaches


Qu’en dit la science ?

Les études québécoises démontrent qu’une prairie adéquatement entretenue (réensemencée et amendée au besoin) peut être productive pendant plusieurs années, au-delà de quatre ou cinq ans. Durant cette période, le renouvellement annuel des racines et la production d’exsudats racinaires apportent du carbone au sol. De plus, le carbone racinaire est plus susceptible d’être stabilisé sous forme de matière organique.