Régions 31 juillet 2019

Le rêve brisé d’une productrice

Maude Gouin Huot a démarré sa ferme laitière en 2010 dans une étable louée au Lac-Saint-Jean. Épuisée et à bout de ressources, elle vient de prendre la difficile décision de mettre fin à son projet.

« J’ai tenu ça à bout de bras pendant neuf ans. Je travaillais sept jours sur sept, souvent 15 heures par jour. Mais là, c’est terminé. Je n’avais plus le choix. J’ai tout vendu en novembre dernier », dit-elle. L’ex-propriétaire de la Ferme Gouin Huot ajoute du même souffle : « L’agriculture est un rêve brisé. »

Un dossier facile à monter

À 24 ans, Maude Gouin Huot détenait un diplôme en production animale de l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA) et avait acquis quatre années d’expérience comme ouvrière agricole. Elle rêvait de posséder sa propre ferme laitière. Elle a donc eu recours au programme d’aide au démarrage des Producteurs de lait du Québec (PLQ) et de La Financière agricole du Québec. « Je leur ai dit que je ne provenais pas du milieu agricole et que je n’avais pas une maudite cenne. Ils m’ont répondu : “Pas de problème!” J’ai monté mon dossier et en un an, j’avais un quota de 12 kilos et un prêt de 500 000 $ de la Financière », mentionne Maude. Elle a acheté de l’équipement d’étable usagé, 12 kilos de quota supplémentaires et des animaux. Six généreux producteurs lui ont également donné des vaches pour porter son total de bêtes à 30. C’était parti!

Un départ difficile

« J’ai connu l’enfer, lance aujourd’hui sans détour Maude Gouin Huot. Dans la vieille étable contenant de l’équipement usagé, il y avait toujours un nouveau problème, quelque chose qui brisait : le filage, les moteurs, etc. Et si tu n’es pas capable de faire toi-même tes réparations en agriculture, tu te fais avoir par bien du monde », explique-t-elle. À cela s’est ajoutée une autre problématique : le foin. N’ayant pas de terre, elle devait l’acheter. « J’ai eu une entente de trois ans avec un producteur qui me vendait du bon foin. C’est là que mes vaches ont produit le plus de lait. Après, j’ai dû me débrouiller pour en acheter ici et là. Mais beaucoup d’agriculteurs sont à l’argent. Ils m’ont refilé leur mauvais stock et ils le savaient très bien. »

Le foin de piètre qualité a diminué la performance de son troupeau qui, combinée à la baisse du prix du lait, a amputé sérieusement sa rentabilité. Contrairement au plan initial, son entreprise ne dégageait pas assez de revenus pour lui permettre d’embaucher de la main-d’œuvre, l’obligeant à travailler sans relâche. « Je suis native de Québec. Quand mon père venait me visiter et me voyait dans toute cette misère, ça le faisait parfois pleurer », confie Mme Gouin Huot.

Son expérience en agriculture se termine mal, sans être négative dans l’ensemble. La principale intéressée assure en être sortie grandi. Elle change maintenant de vocation pour étudier en mécanique d’engins de chantier.

Réflexion à venir chez les PLQ

Le directeur adjoint aux communications des Producteurs de lait du Québec, Yanick Grégoire, mentionne que le contexte des dernières années n’a pas été facile dans le secteur laitier, notamment avec la baisse du prix du lait. Afin de mieux répondre aux besoins des jeunes en démarrage, l’organisme tiendra cet automne une réflexion en trois points : est-ce que les critères d’admission au programme sont les bons? Est-ce que les volumes octroyés pour le quota sont suffisants? Et quels outils d’accompagnement faudrait-il mettre en place pour assurer la viabilité de tous les projets?

Deux conseils

Maude Gouin Huot prodigue deux conseils aux jeunes qui n’ont pas de famille en agriculture et qui désirent se lancer dans le domaine par l’entremise des mêmes programmes de démarrage. D’abord, miser sur un mentor qui leur permettra de prendre les bonnes décisions (équipement, élevage, etc.) sans se faire rouler. Puis, s’assurer d’obtenir un approvisionnement en fourrage stable et de qualité. L’ex-productrice affirme avoir mis fin à son projet sans dettes, mais connaît d’autres jeunes qui ont accumulé des créances importantes après avoir bénéficié des mêmes programmes de démarrage et avoir fini par échouer. « Je ne blâme pas les Producteurs de lait du Québec, mais ils n’étaient pas là pour me soutenir; la Financière non plus. C’est beau un programme de démarrage, mais on est laissés à nous-mêmes », conclut-elle.

L’alimentation est un poste de dépense crucial.

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