Élevage 7 juillet 2017

Les quotas pourraient-ils être un bien collectif?

Les producteurs de lait ne feraient-ils pas mieux de se constituer une banque pour aider la relève plutôt que de partager entre eux une hausse de 5 % négociable des quotas?

Daniel-Mercier Gouin, analyste réputé des politiques agricoles, estime que la récente augmentation mérite réflexion, surtout en tenant compte du fait que les quotas peuvent représenter un bien collectif.

« Soulignons d’abord la bonne nouvelle, car on pensait que le marché était mature et qu’il n’y avait pas de croissance ni de quotas supplémentaires dont les entreprises pouvaient disposer », observe d’entrée de jeu le professeur-chercheur de l’Université Laval. La forte demande en beurre et en crème, ajoute-t-il, a permis de donner de « l’oxygène » et probablement de rattraper les gains de productivité accumulés, qui ne pouvaient être comblés faute de quota disponible.

Cela étant dit, le spécialiste s’interroge sur la pertinence de rendre ce quota négociable, donc monnayable automatiquement pour un gain en capital instantané. Une hausse de 1 à 2 %, pense-t-il, permet de suivre les gains de productivité, soit en raison d’une meilleure génétique ou d’une production accrue par vache. Cependant, quand l’augmentation de quota atteint les 10 à 15 % comme aujourd’hui, il convient à ses yeux de s’interroger.

« Ça pose un questionnement, affirme-t-il. On pourrait également considérer que ce quota est un bien collectif qui pourrait servir à accueillir plus de jeunes de la relève non apparentée. »

« J’ai aussi déjà suggéré, enchaîne-t-il, de créer une banque de quotas entre les mains de l’office de producteurs. Ces quotas ne seraient pas vendus, mais loués. À ce moment-là, l’agriculteur aurait accès individuellement à du quota et le bénéfice de la location serait collectivisé, donc il appartiendrait à tous les producteurs. »

Daniel-Mercier Gouin se demande si la gestion de l’offre ne constituerait-elle pas « un compromis social », mais pas seulement pour les producteurs. D’un point de vue logique et même « éthique », juge-t-il, il importe à cet instant de se poser la question. Quand un agriculteur utilise son droit de quitter la production, note-t-il, celui-ci empoche aussi de 10 à 15 % de capitalisation supplémentaire.

« C’est de l’argent qui sort du secteur, déclare-t-il. Au départ, le quota a été créé pour les agriculteurs qui sont en production et non pour ceux qui la quittent. Il y a matière à réflexion. »

 

Les PLQ sont en réflexion

Bruno Letendre. Crédit photo : MarieMichèle Trudeau, Archives/TCN
Bruno Letendre. Crédit photo : MarieMichèle Trudeau, Archives/TCN

La question de la répartition des augmentations de quota est actuellement l’objet de réflexion des Producteurs de lait du Québec (PLQ). Suivant une proposition de l’assemblée générale annuelle en avril dernier, l’organisation a entrepris une démarche en ce sens. Un sondage sera d’ailleurs expédié aux producteurs afin de connaître leur opinion à ce sujet. En novembre prochain, des propositions pourraient leur être soumises à l’occasion de journées de réflexion. Que pense-t-on de la suggestion de Daniel-Mercier Gouin? « Ça va faire partie de la discussion comme bien d’autres options », répond le président des PLQ, Bruno Letendre.