Économie 10 février 2022

Loi sur la protection des activités agricoles : ce qui est permis, ce qui ne l’est pas

Déposée le 9 novembre 1978, la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles a établi les zones agricoles du Québec afin de faire cesser l’étalement urbain dans les terres agricoles de bonne qualité. Cette Loi impose plusieurs interdictions aux propriétaires de terres agricoles au Québec, notamment celle de morceler une terre ou un groupement de terres contiguës et celle d’utiliser une partie d’une terre à des fins résidentielles. Heureusement, pour les producteurs agricoles, la Loi prévoit des exceptions aux interdictions et ces exceptions ont été bonifiées au fil du temps.

Les demandes d’autorisation

Si vous avez un projet de morcellement ou de construction de résidence en zone agricole et que votre projet ne fait l’objet d’aucune exception, vous avez la possibilité de demander l’autorisation à la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ). Les demandes d’autorisation sont analysées par la CPTAQ sur la base des critères de l’article 62 de la Loi. Le projet de Loi 103 adopté par l’Assemblée nationale au mois de décembre dernier viendra modifier un de ces critères, soit celui portant sur « la constitution de propriétés foncières dont la superficie est suffisante pour y pratiquer l’agriculture ». Il sera ajouté à ce critère la phrase « selon une diversité de modèles et de projets agricoles viables pouvant nécessiter des superficies variées ». Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de la Loi, si un projet comportait la création d’une terre de faible superficie, la CPTAQ avait tendance à refuser d’accorder l’autorisation. Avec la modification de la Loi, si le projet agricole est « viable », même avec une faible superficie, les chances d’obtenir une autorisation sont augmentées.

Cette modification de la Loi ne permettra toutefois pas la construction de résidence à l’intérieur de ces superficies tel que véhiculé cet automne. Il s’agit d’une modification bénéfique pour la relève agricole et pour les producteurs bien établis qui ont besoin d’une terre de faible superficie pour y faire leur exploitation spécialisée. Pour construire une maison, il faudra bénéficier d’une des exceptions (voir encadré en page 9) ou en faire la demande à la CPTAQ, laquelle sera analysée selon les critères de l’article 62 de la Loi et, suivant la jurisprudence actuelle, sera refusée.

Les droits acquis

Si vous êtes propriétaire d’une résidence bâtie avant le 9 novembre 1978, celle-ci bénéficie de droit acquis et il est possible d’élargir la superficie des droits acquis jusqu’à 5 000 mètres carrés de terrain autour de cette résidence. À l’intérieur de ces 5 000 mètres carrés, vous pouvez y construire une nouvelle résidence et morceler une partie du terrain. Ce droit de bâtir une deuxième résidence avait été perdu de 2007 à 2021 pour les terres situées dans une MRC ayant des îlots déstructurés, mais ce droit a été rétabli l’été dernier. Il serait donc pertinent de vérifier si vous pouvez bénéficier de cette exception.

Les îlots déstructurés

Depuis 2005, la CPTAQ a rendu plusieurs décisions relativement à des îlots déstructurés. Ce sont des endroits à l’intérieur de la zone agricole pour lesquels la CPTAQ, suivant une demande à portée collective, a autorisé l’aliénation et l’utilisation à des fins résidentielles. Si une partie de votre terre se trouve à l’intérieur d’un îlot déstructuré, vous pourriez être autorisé à y bâtir une maison et à morceler la terre à l’intérieur de l’îlot. Un notaire peut facilement vérifier si cette exception s’applique à votre terre.

Pour un service relativement aux interdictions de la Loi, à ses exceptions et à la présentation d’une demande d’autorisation à la CPTAQ, n’hésitez pas à communiquer avec un notaire.   

Les exceptions

Depuis le début de l’entrée en vigueur de la Loi, il est permis d’aliéner une superficie minimale de 100 hectares provenant d’un regroupement de lots d’une superficie minimale de 200 hectares. Il est également permis d’utiliser à des fins résidentielles une superficie maximale d’un demi (1/2) hectare à des fins résidentielles sur une terre ayant une superficie minimale de 100 hectares, laquelle doit toutefois être vacante. Ces exceptions sont très peu utilisées puisqu’il y a peu d’endroits au Québec où l’on retrouve des terres avec d’aussi grandes superficies.

La Loi prévoit également qu’une personne dont la principale occupation est l’agriculture peut, sans l’autorisation de la commission, construire sur un lot dont elle est propriétaire et où elle exerce sa principale occupation une résidence pour elle-même, pour son enfant ou son employé. Il n’y a pas de limite quant au nombre de maisons, mais ces maisons construites en vertu de l’article 40 devront toujours être vendues avec la terre.

En 1998, après l’adoption d’un règlement, il devient possible pour toute personne propriétaire d’une terre de morceler celle-ci aux moyens d’une vente faite en faveur de deux producteurs agricoles propriétaires d’une terre contiguë à celle qui est morcelée.

Depuis 2018, suivant l’adoption d’un second règlement, il est possible pour un producteur agricole de morceler sa terre pourvu que la vente soit faite en faveur d’un producteur agricole propriétaire d’une terre contiguë et qu’après la transaction, le vendeur et l’acheteur demeurent propriétaires d’une superficie d’au moins 40 hectares chacun. Ce règlement permet également aux producteurs agricoles d’exercer des activités d’agrotourisme dans leur ferme et d’utiliser une partie de leur cabane à sucre à des fins résidentielles durant le temps des sucres.

Virginie Lachapelle, notaire