Économie 12 avril 2023

11 % des producteurs québécois pourraient mettre la clé sous la porte

En raison de la hausse du coût des intrants et des taux d’intérêt, 11 % des producteurs québécois songent à mettre la clé sous la porte dans les prochains mois. C’est ce que l’Union des producteurs agricoles (UPA) a dévoilé le 12 avril dans un sondage maison effectué auprès de 3 675 répondants.  

« Les résultats du sondage confirment que l’agriculture est plus impactée que d’autres secteurs par le contexte économique défavorable et que l’horizon s’assombrit pour un nombre grandissant de fermes, plus particulièrement les entreprises en démarrage. Il n’est pas trop tard, mais il y a urgence d’agir », a déclaré le président de l’UPA, Martin Caron.

Si près de deux entreprises sur 10 ont actuellement une mauvaise santé financière, près de 50 % des répondants anticipent une détérioration au cours des 12 prochains mois.

Plus de la moitié des répondants observent que la hausse du prix des intrants, soit le prix des carburants (64 %), des engrais (51 %), des coûts d’alimentation (51%) et des frais de transport (41 %) sont un obstacle auquel ils se heurtent actuellement.

La hausse des taux d’intérêt affecte 56 % des producteurs. D’ailleurs, le sondage révèle que 41 % des producteurs sondés estiment que la hausse des taux d’intérêt pourrait les empêcher de rencontrer leurs obligations financières en 2023. Pour y parvenir, la quasi-totalité des répondants (3 558) ont notamment indiqué qu’ils envisagent de diminuer la taille de leur entreprise (14 %), de demander un congé de capital à leur institution financière (18 %), de consolider leur dette (20 %) et d’utiliser davantage leur marge de crédit ou des comptes à payer (41 %). « La diminution de la taille de l’entreprise, on ne remonte pas un cheptel demain matin si la santé financière de notre entreprise a été mise à mal et une fois qu’elle est fermée, c’est à peu près impossible à redémarrer donc, je trouve ces chiffres inquiétants », indique la cheffe des affaires économiques et directrice de la Direction des recherches et politiques agricoles de l’UPA, Isabelle Bouffard.

On ne remonte pas un cheptel demain matin si la santé financière de notre entreprise a été mise à mal et une fois qu’elle est fermée, c’est à peu près impossible à redémarrer donc, je trouve ces chiffres inquiétants

Isabelle Bouffard, cheffe des affaires économiques et directrice de la Direction des recherches et politiques agricoles de l’UPA

Secteur économique le plus touché

Le directeur général de l’organisation, Charles-Félix Ross, indique que l’agriculture est le secteur économique le plus touché par l’inflation. D’une part, parce qu’entre janvier 2020 et septembre 2022, l’augmentation du coût des intrants agricoles a été trois fois supérieure à l’inflation. D’autre part parce que l’agriculture est un secteur fortement capitalisé, c’est-à-dire qu’il faut investir en moyenne 8 $ d’actifs pour générer 1 $ de revenu. Il ajoute que la dette agricole s’est également accrue ces dernières années pour atteindre 25 G$ et que 50 % du portefeuille de prêts garantis de la Financière agricole du Québec (FADQ), seraient à renouveler en 2023. « Ces prêts, qui étaient autour de 2 %, vont se renouveler à 5 ou 6 %. Si les producteurs ont de la misère à payer leur dette, ils iront vers des marges de crédit, à des taux aussi plus élevés, dit-il. Certains prêts sont renouvelables maintenant, d’autres en mai, en août, etc., donc c’est une situation qui va prendre de l’ampleur dans les mois à venir. »

En 2022, des actions ont pourtant été posées. Dans les secteurs sous gestion de l’offre, les coûts de production ont été indexés plus rapidement. À la Financière agricole du Québec (FADQ) les coûts de production des secteurs couverts par l’Assurance stabilisation des revenus agricoles ont également été augmentés. Bien que des producteurs ont dit subir les contrecoups de l’inflation, le revenu net des entreprises agricoles québécoises en 2022 est demeuré très élevé (à 1,28 G$) et certains producteurs ont obtenu d’excellents revenus, notamment dans la production de céréales dans les régions centrales de la province.

L’UPA réclame aux deux paliers de gouvernement des aides ciblées aux entreprises étouffées par la conjoncture économique.