Actualités 28 septembre 2020

Bientôt un robot qui sarcle « à la main »

SHERRINGTON — Une curieuse machine sur roues avance lentement au-dessus d’un champ d’oignons. Sous l’appareil, deux bras munis d’une pince s’activent et arrachent presque aussitôt une touffe de mauvaise herbe qu’elle relâche dans l’entre-rang. Voici « La Chèvre », le premier robot capable de ­sarcler  manuellement les cultures maraîchères.

Luc Labbé
Luc Labbé

En organisant deux journées de démonstration les 15 et 16 septembre à la Ferme Vert Nature à Sherrington en Montérégie, l’entreprise Nexus Robotics souhaitait faire la preuve que sa technologie allait être en mesure de répondre dans un proche avenir à l’une des grandes préoccupations des producteurs maraîchers : le coût et le manque de main-d’œuvre.

« Le but de La Chèvre est de remplacer la main-d’œuvre étrangère parce qu’elle peut faire un travail quasi parfait. Avec la pandémie, la majorité des maraîchers ont éprouvé des problèmes à avoir tout leur monde. Certains ont même connu des éclosions. La situation n’ira pas en s’améliorant puisque la main-d’œuvre sera plus difficile à trouver et coûtera de plus en plus cher », explique Luc Labbé, président-directeur général de la jeune entreprise fondée en Nouvelle-Écosse. Depuis juin, Nexus Robotics s’est établie au Québec pour se rapprocher des principales zones maraîchères du pays et poursuivre ses activités de recherche et développement.

Machine autonome

Plutôt que de traîner un sarcleur ou de diffuser des jets d’herbicides, le second prototype développé par Nexus Robotics se distingue des autres robots de maraîchage par sa capacité à arracher les mauvaises herbes à l’aide de pinces installées au bout de bras robotisés. Lorsqu’il passe au-­dessus des cultures, les caméras du robot captent en temps réel l’image des végétaux. Le robot ayant été préalablement entraîné à reconnaître les cultures, tout le reste sera désherbé. Doté de quatre roues motrices et d’un système de guidage GPS, l’appareil est en mesure de travailler de façon autonome à une cadence de 2 à 10 acres par jour, selon la densité des mauvaises herbes et le type de culture.

Grâce à un soutien de 550 000 $ du gouvernement fédéral et une ronde de financement privé de 1,2 M$, l’équipe de Nexus travaille à construire d’ici la prochaine saison un modèle à moteur hybride qui sera à l’essai dans quelques fermes maraîchères avant d’être commercialisé. « Pour le prochain modèle, on veut mettre l’accent sur la durabilité, la fiabilité et la vitesse. Pour l’instant, le robot possède deux bras qui sont assez lents. On aimerait l’équiper de trois bras plus agiles », ajoute M. Labbé.

Le robot baptisé « La Chèvre » est en mesure de désherber de façon autonome de 2 à 10 acres par jour.
Le robot baptisé « La Chèvre » est en mesure de désherber de façon autonome de 2 à 10 acres par jour.

Intérêt chez les producteurs

Parmi les producteurs présents à la démonstration, Martin Van Winden, des Fermes Hotte et Van Winden à Napierville, était  curieux de voir le robot à l’œuvre. « Cette technologie permettrait de diminuer le nombre d’heures des employés pour le désherbage. L’opération peut me coûter facilement 500 $/acre. J’ai déjà un robot pour les parcelles de laitue, mais celui-ci viendrait chercher les mauvaises herbes entre les oignons. C’est intéressant. Les petites pinces viendraient remplacer les mains humaines. »

Pour sa part, le maraîcher Serge Leblanc est venu expressément de Saint-Anselme dans Chaudière-Appalaches. « Certains ajustements sont à faire, mais c’est prometteur. Nous n’avons pas encore de robot à la ferme, mais puisque nous avons un volet biologique, c’est un outil qui pourrait être intéressant pour désherber plus rapidement sans herbicide. » 

Des essais chez Vert Nature

Nexus Robotics a mené cet été des essais à la Ferme Vert Nature, spécialisée dans les jeunes pousses. « Pour nous, le sarclage est problématique parce qu’on ne peut pas utiliser d’herbicide. Tout est fait à la main, explique l’ingénieur de la ferme, Patrick Ramezay. Travailler avec Nexus est intéressant puisqu’on peut orienter le développement de la technologie en fonction de notre réalité, qui est différente de celle de l’Europe ou de la Californie. » Selon M. Ramezay, la vitesse d’exécution du robot reste à améliorer. « Il ne sera peut-être pas prêt l’an prochain ou dans deux ans, mais c’est prometteur. »