Bio 1 mars 2023

Le porc biologique québécois en quête de reconnaissance

Malgré une lente, mais constante progression depuis les années 2000, la demande pour le porc biologique ne permet pas encore au plus gros joueur de la province de miser toutes ses cartes sur cette seule production. Le prix reste le principal frein pour que ce produit de niche gagne une plus grande place dans le panier d’épicerie des Québécois, selon plusieurs éleveurs.

Depuis deux ans, les chaînes d’épicerie Maxi et Super C ont ajouté sur leurs tablettes les produits de porc biologique frais de l’entreprise DuBreton, plus gros producteur et transformateur de porc biologique de la province. Cette introduction dans ces magasins, qui s’affichent comme ayant des prix plus abordables que d’autres chaînes, est un bon indice que les consommateurs, peu importe leurs portefeuilles, sont de plus en plus sensibles et informés par rapport aux modes d’élevage des animaux, estime Mario Goulet, vice-président au marketing chez Les Viandes DuBreton. L’entreprise a d’ailleurs amorcé dernièrement un recentrage progressif de ses activités vers sa ligne de produits biologiques, sans toutefois abandonner complètement ses deux autres gammes, Certified Humane et sans antibiotiques (voir l’encadré). « La demande n’est pas encore là [pour aller vers le biologique uniquement], donc on n’est pas prêts à laisser complètement nos deux autres gammes, qui sont vendues un peu moins cher que les produits biologiques. On suit notre marché en s’adaptant continuellement », précise M. Goulet.

On vend plus aux États-Unis simplement parce qu’il y a plus de monde [là-bas].

Mario Goulet

L’entreprise familiale de Rivière-du-Loup, dont la production avoisine les 11 500 têtes par semaine, se situe actuellement parmi les leaders mondiaux de la viande porcine biologique, non loin derrière l’entreprise danoise Danish Crown. Or, la plus grande partie de sa production, soit 65 %, est exportée aux États-Unis. Le tiers restant est vendu dans une cinquantaine de pays et sur le marché canadien, ce qui comprend le Québec. DuBreton refuse toutefois de révéler à La Terre la proportion de sa production destinée au marché québécois en invoquant des « raisons stratégiques ». « On vend plus aux États-Unis simplement parce qu’il y a plus de monde [là-bas] », se contente d’expliquer Mario Goulet. 

Le nombre de fermes porcines biologiques a presque triplé au Québec depuis 2016.   Gracieuseté de Viandes DuBreton

Éducation des consommateurs

Pour développer davantage le marché québécois, il croit que le défi en est surtout un « d’éducation des consommateurs ». « Les gens ne comprennent pas toujours pourquoi ils doivent payer deux fois plus cher pour du porc biologique par rapport au porc conventionnel », précise-t-il. 

Ce défi est aussi celui qui freine la progression de plus petits joueurs comme Les Viandes biologiques de Charlevoix, qui produisent en moyenne de 4 500 à 5 000 porcs biologiques par année. « Nous, on a fait beaucoup d’éducation dans les dernières années, par les médias sociaux entre autres. C’est un bon moyen de faire connaître nos méthodes d’élevage. Mais oui, il y a encore du chemin à faire, car ce n’est pas tout le monde qui comprend pourquoi ça coûte plus cher », regrette le propriétaire, Damien Girard.

L’ombre inflationniste

Malgré tout, le nombre d’élevages de porcs biologique dans la province est en progression, alors que les fermes certifiées sont passées de 19 à 58 entre 2016 et 2023, selon des chiffres du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec et du Conseil des appellations réservées et des termes valorisants (CARTV).

Damien Girard produit en moyenne de 4 500 à 5 000 porcs biologiques par année. Photo : Gracieuseté de Damien Girard

Du côté des épiciers, on rapporte aussi une croissance constante de la demande pour ce type de produits de niche jusqu’à 2022, année où celle-ci a commencé à fléchir. « Ce n’est pas spécifique au porc biologique, mais à la viande en général à cause du contexte inflationniste. Mais le bio est quand même un peu plus touché à cause du prix », souligne Stéphane Bergeron, directeur de la mise en marché chez IGA.

Marie-Philippe Saint-Vincent, copropriétaire de la Ferme Saint-Vincent, qui vend de la viande issue de ses élevages biologiques dans deux boucheries spécialisées aux marchés Jean-Talon et Atwater de Montréal, remarque aussi un changement d’habitudes. « Beaucoup de clients optent maintenant pour des coupes moins dispendieuses, mais ils continuent quand même d’acheter de la viande biologique parce que ça correspond à leurs valeurs », soutient-elle. La productrice signale par ailleurs que la viande de porc biologique a l’avantage d’être la plus abordable par rapport au poulet et au bœuf biologique, même si ces deux dernières restent encore les plus populaires auprès de sa clientèle.  


Des gammes intermédiaires plus abordables

La principale différence entre le porc certifié biologique et d’autres gammes de produits, comme le porc élevé sans antibiotiques ou Certified Humane (élevage sans cages), est principalement la sortie des porcs à l’extérieur pendant l’été et leur alimentation en grains biologiques uniquement. Cette dernière spécificité explique en grande partie le coût de production significativement plus élevé d’un porc biologique par rapport aux autres gammes, soutiennent Les Viandes DuBreton.

Le porc biologique en cinq critères

Pour qu’un élevage de porcs puisse obtenir une certification biologique, il doit répondre à cinq critères de base :

– une régie d’élevage en liberté;
– l’interdiction d’utiliser des cages de mise bas pour les truies et leurs petits;
– un accès à l’extérieur pour tous les porcs lors de la saison estivale;
– une alimentation à base d’aliments biologiques;
– aucune utilisation d’antibiotique ou d’hormone de croissance.

Ces normes canadiennes de certification biologique dans le secteur animal sont reconnues dans des pays qui appliquent des normes similaires, soit les États-Unis et les pays membres de l’Union européenne, avec qui « des ententes d’équivalence » ont été établies, spécifie l’organisme de certification Ecocert.