Bio 1 mars 2023

Le défi de rester bio jusqu’aux tablettes

Les critères pour qu’une viande comme le porc garde sa certification biologique jusqu’aux tablettes des épiceries représentent un défi parfois colossal pour les plus petits producteurs, et même pour les plus gros.

Car la certification d’une ferme porcine ne suffit pas à vendre tous les produits transformés avec le seau du biologique, explique William Suess Villeneuve, propriétaire de la Ferme Villoise, à Saint-Gédéon, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui produit environ 200 porcs biologiques par année. « On est vraiment petits, alors on doit maximiser toutes les parties du porc en misant sur les produits à valeur ajoutée. Mais cette étape nous limite, parce que c’est difficile de trouver des sous-traitants qui n’utilisent que des ingrédients biologiques pour la fabrication des saucissons, par exemple. On vend donc ces produits transformés sans l’appellation biologique. La seule chose qu’on peut faire est d’écrire, dans la liste d’ingrédients, la présence de viande de porc biologique », explique-t-il.

Du préemballé

La même rigueur est de mise dans les boucheries, qui doivent aussi détenir une certification biologique pour pouvoir vendre cette catégorie de viande directement aux clients, à moins que les produits soient préemballés, comme c’est le cas pour ceux d’entreprises comme DuBreton ou Les Viandes biologiques de Charlevoix. « Le préemballé, c’est la tendance actuelle, car avec la pandémie, les gens ont perdu l’habitude d’aller voir le boucher. De plus, avec la pénurie de main-d’œuvre, ça nous arrange », spécifie Stéphane Bergeron, directeur de la mise en marché chez IGA.

C’est difficile de trouver des sous-traitants qui n’utilisent que des ingrédients biologiques pour la fabrication des saucissons, par exemple. On vend donc ces produits transformés sans l’appellation biologique.

William Suess Villeneuve
William Suess Villeneuve produit environ 200 porcs biologiques par année. Gracieuseté de William Suess Villeneuve

Aucune boucherie de la bannière ne possède d’ailleurs de certification biologique, rapporte-t-il, car ceci complexifierait la traçabilité des viandes biologiques et conventionnelles qui se côtoient dans le même comptoir. « Nos boutiques Rachelle-Béry, par contre, sont toutes certifiées biologiques. Mais pour l’instant, elles n’ont pas de boucherie. On reste ouverts à ajouter ce service éventuellement, si la demande est là », précise-t-il. Du côté des supermarchés santé Avril, le directeur marketing Alexandre Gaudreault indique que les établissements comptent quelques tombeaux avec de la viande biologique préemballée, mais que « la viande, en partant, n’est pas très en demande auprès de la clientèle ».

Plus de paperasse

Du côté de la Ferme Saint-Vincent, située à Saint-Cuthbert, dans Lanaudière, Marie-Philippe Saint-Vincent précise que la certification biologique de leurs deux boucheries affiliées, situées aux marchés Atwater et Jean-Talon, à Montréal, ajoute « une couche de plus » de paperasse. « On a déjà, comme les boucheries conventionnelles, les règles du MAPAQ à suivre pour la salubrité des aliments, mais en plus, on ajoute celle de la certification bio. Celle-ci impose, une fois par année, d’ouvrir nos registres sur les ventes et les inventaires et de faire une inspection », résume-t-elle. Leur tâche est toutefois simplifiée par le fait que leurs boucheries ne vendent que des produits biologiques.


Valorisation complète

Gâteries pour chien en peau de porc biologique, savons, chandelles : absolument toutes les parties des porcs biologiques élevés par le petit producteur William Suess Villeneuve, propriétaire de la Ferme Villoise, à Saint-Gédéon, au Lac-Saint-Jean, sont réutilisées. « Notre objectif est de valoriser l’animal au complet en réduisant les déchets », dit-il. Selon lui, toutes les parties de l’animal peuvent trouver une voie, « y compris les pieds de porc et les os, qui servent à faire des bouillons ».


Encore des améliorations à faire du côté environnemental

Sébastien Fournel

L’élevage biologique a encore des choses à améliorer du côté environnemental de la production, estime Sébastien Fournel, professeur en ingénierie des infrastructures et équipements agroalimentaires à l’Université Laval. Il donne entre autres l’exemple des émissions d’ammoniac possiblement plus élevées parce que les surfaces d’élevage sont plus grandes que du côté de l’élevage conventionnel. La gestion des fumiers secs devrait également faire l’objet de recherches plus poussées, puisque les nutriments qu’ils contiennent seraient absorbés moins rapidement dans le sol que le lisier, selon des études faites du côté de la production laitière, rapporte-t-il. 

« Mais pour les aspects liés au bien-être animal, avec plus d’espace pour les ­animaux, un accès à l’extérieur, de l’enrichissement et moins de contention, c’est vrai que ­l’élevage biologique est en avance (par rapport à l’élevage conventionnel) », reconnaît-il toutefois.