Bio 14 mai 2023

Agriculture biologique : la deuxième génération récolte les fruits

Alors que les pionniers de l’agriculture biologique au Québec se lançaient dans l’aventure il y a 40 ans par conviction et vision, la génération aux commandes aujourd’hui arrive dans un marché en maturation, récoltant les fruits du labeur de ses prédécesseurs.

Les Fermes Longprés

Producteurs de grains biologiques destinés à l’alimentation humaine et animale, Les Fermes Longprés ont obtenu la certification bio pour l’ensemble de leurs 600 hectares en culture en 2002. Le résultat d’un travail amorcé ­graduellement dans la décennie précédente par les frères Thomas, Loïc et Côme Dewavrin, qui avaient pris la relève de leurs parents arrivés au Québec en 1976 en provenance de la France. 

Depuis mars 2020, la ferme située à Les Cèdres est dirigée par la 2e génération à travailler en régie ­biologique. Avec leur cousine Justine (fille de Thomas), les frères Matthew et Gregory (fils de Loïc) marchent dans les sillons tracés par leurs parents. 

« La raison pour laquelle c’est plus simple aujourd’hui dans le bio, c’est qu’il y a eu des précurseurs comme eux qui ont défriché le chemin », explique Matthew Dewavrin. « À l’époque de mon père et de mes oncles, il n’y avait pas une énorme plus-value dans la mise en marché des grains bio. Ils y ont été vraiment plus par conviction et vision que par un réel intérêt économique. Les prix des grains étaient à peine plus élevés que dans le conventionnel », poursuit-il.  

Aujourd’hui, Matthew Dewavrin souligne que les producteurs bio peuvent bénéficier d’un accompagnement agronomique et économique, ce qui n’était pas le cas il y a 30 ans. « Il y a des données disponibles, des subventions pour ceux qui veulent faire la transition. »

On a accès à des équipements spécialisés en bio, alors que mon père et mes oncles devaient se débrouiller tout seuls. Une fois, ils ont dû fabriquer de toutes pièces un peigne de 60 pieds.

Matthew Dewavrin, des Fermes Longprés

Les producteurs bio actuels ont encore des défis, comme les trois années de transition qui demeurent un passage difficile à traverser, mais la rentabilité est là au bout du chemin. « Il y a 30 ans, il y avait les impératifs de la transition sans les avantages. Ça prenait beaucoup de vouloir à l’époque », note-t-il avec admiration. 

Ferme Charpierre

À Saint-Sébastien, dans la MRC du Granit en Estrie, Daphnée Lapierre poursuit le travail amorcé par son père Florent qui a obtenu la certification biologique de sa ferme laitière en 1993.

J’ai toujours grandi dans le bio. Ça fait partie de mes valeurs. Je n’ai jamais vu d’engrais chimique entrer dans ma cour.

Daphnée Lapierre, de la Ferme Charpierre

Bien du chemin a été parcouru entre aujourd’hui et il y a 30 ans. « Mon père a fait des sacrifices même s’il n’avait pas les gains au départ. C’était vraiment par conviction personnelle qu’il s’est lancé là-dedans. Puis, en 1995, une opportunité s’est présentée lorsque nous avons fait affaires avec la Fromagerie La Chaudière », poursuit celle qui a pris officiellement possession de la ferme en 2020 avec son conjoint Guillaume Audet et un ami et producteur non apparenté, Mathieu Proteau.

xLa Ferme Charpierre célèbre cette année ses 30 ans de certification en tant que producteur de lait biologique.

Invitée à comparer son travail avec celui de son père, Daphnée Lapierre souligne que bien que le troupeau était plus petit à l’époque, les producteurs n’avaient toutefois pas d’outils pour les aider dans leur travail, si l’on compare à aujourd’hui. « Il n’y avait pas de Club de lait bio ou de conseiller en alimentation bio. Mon père a suivi près de 400 heures de formation pour effectuer sa transition biologique », raconte Mme Lapierre.

Actuellement, on retrouve environ 130 producteurs laitiers bio au Québec. Daphnée Lapierre souhaiterait en voir plus et soutient que beaucoup d’agriculteurs sont prêts à faire la transition. « On célèbre aujourd’hui les trente ans de certification biologique de mes parents. En suivant leur traces, je considère que je marche encore dans la bonne direction », conclut l’agricultrice.

Ferme Samson & Fils

Gabriel et Réal Samson.

Gabriel Samson faisait ses premiers pas à la maternelle lorsque ses parents Réal et Nicole ont vu leur ferme ­maraîchère obtenir l’accréditation biologique en 1992. « Le bio, c’est juste ce que j’ai connu », raconte le jeune producteur de 36 ans qui s’occupe de la gestion de l’entreprise agricole depuis 2016.

Située à Farnham sur des terres totalisant 50 hectares, la Ferme Samson & Fils cultive principalement des pommes de terre et des courges, mais aussi des melons, des cantaloups, des échalotes et des oignons. Influencé par les pionniers du bio au Québec, Réal Samson décide à la fin des années 1980 de vendre le troupeau laitier démarré 35 ans plus tôt par son père pour tenter l’aventure. 

« Il a commencé par vendre des paniers et à mesure que ça prenait de l’ampleur, il a décidé de se spécialiser dans la pomme de terre et la courge », explique Gabriel Samson. La grande différence entre aujourd’hui et il y a 30 ans, c’est justement la consolidation d’une base de consommateurs en dehors des ventes de paniers à la ferme, explique-t-il.

On est toujours en quête d’innovation parce qu’on développe le marché au fur et à mesure.

Gabriel Samson, de la Ferme Samson & Fils

« Mon père a débroussaillé un marché qui s’est peu à peu raffiné. Quand il a commencé, le volume de légumes bio qu’on pouvait vendre était limité. Ça devenait important d’avoir une production diversifiée pour en écouler le plus possible. » L’ouverture des épiceries Avril un peu partout au Québec reflète bien selon lui cette maturation du marché. 

« Ça reste un petit joueur comparé à Sobeys, Loblaw et Metro, mais pour nous, c’est une référence. Il y a une masse critique de consommateurs qui se crée et ça nous donne le pouls du marché », poursuit Gabriel Samson, qui écoule sa production dans les épiceries au Québec, mais aussi en Ontario et aux États-Unis. 

Ce qui demeure cependant, c’est la nécessité de trouver des solutions à des problèmes inhérents à un marché en développement. « Si tu élargis ta saison de vente, tu vends plus de patates et de courges. Ça veut dire aussi que tu dois trouver un moyen de les conserver plus longtemps. On est toujours en quête d’innovation parce qu’on ­développe le marché au fur et à mesure », conclut le jeune producteur bio, qui a mis au point en 2016 un entrepôt réfrigéré d’une capacité de 150 000 kg.