Alimentation 19 décembre 2014

On est Québécois, on veut manger Québécois!

QUÉBEC — Pour Geneviève Parent, responsable de la Chaire en droit sur la diversité et la sécurité alimentaire et professeure à l’Université Laval, l’alimentation représente un enjeu primordial à l’heure de la mondialisation des marchés.

Selon elle, les Québécois n’ont pas à se laisser dicter leurs choix alimentaires. « Oui, l’État peut intervenir par l’intermédiaire du droit dur, c’est-à-dire par la mise en place de lois et de règlements qui favorisent la sécurité alimentaire de sa population. Il faut cesser d’entretenir le mythe que nos gouvernements sont pieds et mains liés devant les multinationales de l’alimentation.

En fait, il y a un vide juridique en ce qui concerne l’alimentation », a-t-elle déploré au cours des deux panels publics, Le pouvoir de se nourrir, tenus le 3 décembre dernier dans le cadre du Congrès de l’Union des producteurs agricoles (UPA).

Les panels regroupaient des observateurs analystes et des représentants de la filière de l’agroalimentaire québécois. Chacun des participants des deux groupes y est allé de ses analyses et recommandations pour améliorer l’autonomie, la sécurité et la diversité alimentaires de la Belle Province. Sans surprise, après avoir dénoncé les diktats du commerce mondial, les panélistes ont abordé le thème de l’achat local.

Achat local

Martine Desjardins, fidèle à ses convictions, préconise l’éducation citoyenne pour amener les consommateurs à choisir les produits locaux. Elle s’inquiète de voir tant d’agriculteurs quitter la production ou hésiter à transférer la ferme à leurs enfants parce qu’ils craignent qu’ils aient de la difficulté à en vivre convenablement. Pour elle, l’achat local leur assurerait de meilleurs revenus et améliorerait leur qualité de vie.

Même son de cloche du côté de Martin Carli, scientifique et coanimateur de l’émission Génial! à Télé-Québec, qui croit que les consommateurs devraient augmenter la part des dépenses qu’ils consacrent à l’alimentation. « À l’heure actuelle, c’est l’environnement qui paie pour les bas prix des produits. Il faut réduire la distance entre les producteurs et les consommateurs. L’énergie fossile qu’on utilise pour faire venir des pommes de Californie contribue à l’effet de serre. Les inondations à New York en 2012 et les autres catastrophes occasionnées par le réchauffement planétaire, ça coûte cher », a-t-il fait valoir.

Daniel Vielfaure, de Bonduelle, déplore quant à lui que pour sauver quelques sous sur un produit, plusieurs consommateurs envoient le gros de leur argent dans des pays étrangers où il ne profite pas à leurs concitoyens, ni à eux-mêmes. M. Vielfaure croit d’ailleurs que la meilleure façon de favoriser l’achat local, c’est de produire ici même ce qu’on peut éviter d’importer. Pour cela, l’approche filière s’est révélée très efficace au Québec. « Quand les producteurs, les transformateurs, les détaillants et les gouvernements travaillent ensemble, on peut arriver à de grandes réalisations », a-t-il mentionné. La production au Québec de haricots verts fins par Bonduelle illustre à merveille la force de l’approche filière. Ce produit était importé d’Europe ou de Chine il y a à peine quelques années.

Traçabilité

Les panélistes n’ont pas oublié d’aborder le secteur HRI (hôpitaux, restaurants et institutions) où beaucoup reste à faire pour améliorer la traçabilité des produits québécois. Catherine Harel-Bourdon, la présidente de la Commission scolaire de Montréal sert 12 000 repas par jour. « Nous mettons l’accent sur l’éducation à la conscience citoyenne de nos enfants par rapport à l’alimentation. Malheureusement, nous avons beaucoup de difficulté à connaître la provenance des produits que nous recevons.

L’obligation d’acheter du plus bas soumissionnaire limite également nos possibilités d’encourager les produits québécois », a-t-elle avoué.

Anne Gignac, adjointe au directeur du Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ), vit les mêmes problèmes pour approvisionner ses hôpitaux. « Nous naviguons à travers un tas d’obligations réglementaires, mais nous travaillons fort avec nos distributeurs pour obtenir des produits locaux. On vit au Québec, on veut des patates du Québec », a-t-elle affirmé. Elle déplore également le manque d’information sur la provenance de ses denrées. Daniel Vielfaure ajoute qu’aux États-Unis les fournisseurs d’aliments de l’armée américaine ont l’obligation d’acheter de producteurs locaux. « Si nos politiciens ne le font pas ici, c’est qu’ils ne se sont pas assez creusé la tête », a-t-il affirmé.