Alimentation 17 février 2022

Nostalgie d’un ancien boucher pour la viande chevaline

Arrivé au Québec en 1974 pour classifier les carcasses de chevaux destinés à la consommation en France, un ancien boucher d’origine française regarde avec nostalgie la diminution de l’intérêt pour la viande chevaline à travers les années.

Georges Lecomte
Georges Lecomte

Georges Lecompte, qui a été propriétaire de plusieurs boucheries dans la région de Québec et de Montréal, voue encore une affection particulière pour cette viande « maigre, riche en fer et meilleur marché que le bœuf », dit-il. « J’ai souvent servi la mère du joueur de hockey Jean Béliveau, parce qu’elle cherchait une viande nutritive et plus saine pour son fils », se remémore l’homme de 84 ans, qui s’est aujourd’hui reconverti dans la culture de canneberges.

Il raconte qu’au départ, les transformateurs français se sont intéressés au Québec parce qu’il s’y trouvait un très grand bassin de chevaux utilisés dans les champs par les agriculteurs. Lorsque ces chevaux n’étaient plus utiles, ils pouvaient être transformés et exportés en France pour la consommation.

« À cette époque, les Québécois étaient peu friands de cette viande et il était même interdit de la vendre dans les boucheries traditionnelles », souligne le boucher, qui se réjouit d’avoir été l’un des premiers à ouvrir une boucherie hippophagique au Québec à la fin des années 1970, à Longueuil plus précisément. Deux décennies plus tard, on en dénombrait une centaine dans la province.

Déclin et stabilisation du marché

« Aujourd’hui, il ne reste que deux boucheries chevalines, à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Anjou [secteur de Montréal] », fait remarquer François Bouvry, directeur des ventes pour Viande Richelieu. L’entreprise de Massueville, en Montérégie, est devenue à la fin des années 1990 le plus important transformateur de viande chevaline au Québec, avec une production se situant entre 20 et 30 tonnes de viande par semaine. Cette production est aujourd’hui de six à dix tonnes par semaine, rapporte M. Bouvry. Ce dernier explique la situation par une baisse d’intérêt pour cette viande par les nouvelles générations, mais également en raison de règles plus strictes de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, qui ont progressivement rendu l’approvisionnement en chevaux, la transformation et l’exportation de la viande « plus compliqués et moins rentables ».

Malgré tout, il estime que le marché, devenu plus niché, voire de luxe, résistera à la disparition, notamment en raison « de la grande qualité de cette viande, encore recherchée par une certaine clientèle, dont les sportifs, les femmes enceintes ou les gens qui ont des problèmes cardiaques », précise-t-il. L’approvisionnement en chevaux reste toutefois un défi. M. Bouvry invite d’ailleurs les producteurs agricoles qui possèdent des chevaux en fin de vie à contacter Viande Richelieu. « Nous pouvons leur faire un chèque et donner une deuxième vie plus noble [que l’euthanasie et l’équarrissage] à leur animal », ­suggère-t-il.