Vie rurale 23 décembre 2019

Les trois pires fois où j’ai fait le père Noël

Le père Noël existe, mais il a déjà eu les cheveux noirs, pas de barbe, il s’appelait Martin et il se spécialisait dans les mises en scène rocambolesques! Voici le récit des trois pires fois où j’ai fait le père Noël, dans ma super famille des Côté, sur le Grand Rang, à Saint-Hyacinthe. 

Chapitre un : le toit

Le frère et moi avons l’idée de faire arriver le père Noël par le toit cette année. J’enfile mon déguisement et monte sur la toiture de mes grands-parents. Mais tout est glacé là-haut et il vente à écorner le bœuf. Sans manteau, je gèle. Et ce fichu vent glacial m’envoie constamment la fausse barbe dans les yeux. C’est glissant; je me tiens sur le toit comme un chat qui s’agrippe par le bout des griffes. Le frère est au sol et tient la corde qui me servira à descendre « sécuritairement » de l’autre côté. Je descends le ventre collé sur le toit, les pieds vers le bas. Sauf que, merde!, mon déguisement bloque à la toute fin quand j’arrive pour passer la gouttière. Je suis pris. Les enfants, eux, sont rivés à la grande fenêtre. Ils voient mes jambes dans le vide, et la poche de cadeaux qui pend. Je les entends crier de joie : « Le père Noël est là! » Mais je suis pris et la pause que je prends pour me dégager de la gouttière fait croire au frère que je suis déjà rendu sur le perron. Alors que fait-il? Il lâche la corde! Quand je me donne un élan pour me déprendre, la corde est molle et j’atterris sur un pied sur le rebord du perron, pour ensuite tomber carrément en bas, dans les buissons, en écrasant… la poche de jouets. Lorsque je me relève, toute la famille me regarde bizarrement par la fenêtre. Échec.

Chapitre deux : le Grinch

L’année suivante, je dis au frère que le « Perno » pourrait simplement arriver dans un traîneau tiré par le quatre-roues. Mais le frère en remet : « Je vais me déguiser en Grinch et te courir après pour faire comme dans le film [Le Grincheux] » Quelle excellente idée! Le soir de Noël arrive et le seul traîneau qu’on trouve dans le grenier de mon grand-père est une luge en bois des années 1930. Je me positionne debout sur la luge, en tenant d’une main la corde reliée au quatre-roues, comme en ski nautique, et de l’autre la poche de cadeaux. Mon oncle démarre le quatre-roues. Il me regarde avec un sourire en coin signifiant : « Hé! Hé! Tu ne tiendras pas longtemps, mon Martin! » Il accélère pour donner du spectacle devant la maison. Les enfants sont collés à la fenêtre et crient de joie. Le plan fonctionne, je reste debout. Mais alors que mon oncle ralentit pour tourner, la luge arrive sur une partie du terrain dénudée de neige : la plaque de gazon la freine complètement et j’effectue un vol plané vers l’avant. Je me relève difficilement quand, au même moment, le Grinch se rue sur moi. J’essaie de l’agripper pour lui faire une clé de bras, mais le frère a le biscuit coriace et on se tiraille amicalement devant toute la famille bouche bée à la fenêtre. Évidemment, le père Noël gagne! Sauf qu’il a le bonnet et les lunettes croches. Mes tantes – surtout ma mère – me regardent bizarrement; les enfants sont sur le point de pleurer. Échec.

Chapitre trois : la royale

Mon grand-père vient de construire un vrai traîneau digne du père Noël. Un travail magnifique, mais en ce 25 décembre, il n’y a malheureusement pas un grain de neige au sol. Au contraire, il pleut. J’appelle mon copain Jack qui demeure dans le rang. On enchaîne le traîneau dans la pelle de sa nouvelle « pépine » et on cache ladite pépine dans le champ, de l’autre côté de la route, face à la maison de mes grands-parents. En bonus j’ai pris soin de remplir quelques sacs Ziploc d’essence et de les relier à une mèche afin d’émerveiller les enfants par le feu… Le souper est terminé. Il fait noir, je suis dehors avec Jack, caché dans le champ. Et nous attendons le signal. Soudainement, nous voyons les enfants s’amasser dans la grande fenêtre pour voir arriver le père Noël. Ils sont heureux, ils chantent. Ça y est, à nous de jouer! J’allume ma mèche; les sacs d’essence s’enflamment. J’en allume d’autres plus loin. Je marche vers le traîneau, dans le noir, je m’y installe et Jack démarre sa rétrocaveuse et fait rayonner ses gyrophares et toutes les lumières de sa machine. Il élève sa pelle au maximum et avance. Nous traversons la route et montons sur le terrain de mes grands-parents avec le traîneau complètement dans les airs et moi qui m’y agrippe avec le sac de cadeaux. Les yeux ronds et la bouche ouverte, les enfants en ont plein la vue. La grosse pelle s’abaisse devant eux et dépose le traîneau sur le muret du perron. Je débarque en faisant retentir de lourds « Ho! Ho! Ho! ». Les enfants sont émerveillés, les adultes mystifiés. Joyeux Noël!