Politique 2 décembre 2019

La paperasse « brûle » les producteurs

Québec s’apprête à dévoiler le 3 décembre un plan d’action en matière d’allègement réglementaire et administratif. Cette annonce tombe à point, à l’heure où La Terre publie dans son édition papier de cette semaine un dossier exclusif sur la paperasse qui gruge de plus en plus de temps et d’argent aux propriétaires d’entreprises agricoles. Le Québec se démarque même d’autres régions canadiennes et américaines par son niveau plus élevé de sévérité réglementaire.

Ras-le-bol

Au Lac-Saint-Jean, le producteur laitier Gérard Tremblay préfère payer 10 000 à 15 000 $ en pénalités par année, au lieu de « se casser la tête à remplir des maudits papiers qui n’en finissent plus », fustige-t-il. À Upton, en Montérégie, l’agriculteur Jean-Yves Lacoste affirme que le fardeau bureaucratique augmente constamment à sa ferme. « Tous ces papiers, ça me brûle, tu n’as pas idée. Ça vient de tous bords, tous côtés. Je suis rendu avec une secrétaire trois jours par semaine pour ça. Je crois que ce n’est pas tout le monde qui va toffer cette situation, surtout les producteurs qui sont seuls », estime-t-il.

Plus qu’ailleurs

L’agroéconomiste Catherine Brodeur constate que le Québec fait mauvaise figure en ce qui a trait aux démarches et aux délais d’obtention de permis de construction et d’agrandissements de fermes. « On a fait beaucoup d’entrevues avec des entreprises […] et, effectivement, les délais d’obtention de permis sont souvent plus longs et les démarches plus lourdes au Québec qu’ailleurs », affirme celle qui travaille au Groupe Agéco, un cabinet d’experts-conseils spécialisés en études économiques dans le secteur agroalimentaire. En comparant une vingtaine de thématiques propres aux fermes du Québec à celles d’autres juridictions canadiennes et américaines, elle soutient que le Québec a un niveau plus élevé de sévérité réglementaire, et cela se répercute sur la compétitivité des fermes d’ici. 

Jusqu’à 70 % du temps d’un agronome

Les agronomes en agroenvironnement consacrent entre 50 et 70 % de leur temps à remplir des papiers, une situation qui a empiré ces dernières années, dépeint Catherine Machado, directrice de Via Pôle d’expertise en services-conseils agricoles, qui représente 62 organismes de services-conseils. L’élaboration des plans de fertilisation, des demandes d’autorisation pour accroître les unités animales et autres formulaires à remplir minent l’efficacité des agronomes et représentent un poids administratif très important qui varie selon les régions et les clubs, indique-t-elle. « Les conseillers [agronomes] disent que ça n’a pas de sens, mais on est pris là-dedans et une certaine lassitude s’installe. On n’est pas contre la reddition de comptes, mais il y a une couche de complexité administrative de trop », souligne Mme Machado. Elle ajoute que par des mesures simples qui n’entraveraient pas les objectifs des ministères, il serait possible d’enlever facilement 30 % de charge administrative aux clubs-conseils.  

Au Centre-du-Québec, l’agronome Vicky Villiard se désole de devoir consacrer au moins 50 % de son temps à la paperasse. « Pour faire avancer l’agriculture, il faut des agronomes qui passent plus d’heures dans le champ et non à remplir des papiers dans un bureau », raisonne-t-elle. Catherine Machado spécifie cependant qu’il y a de l’espoir. Elle sent de l’ouverture du côté du ministère québécois de l’Agriculture et « un momentum pour enlever une couche de complexité administrative ».


Plus de détails et autres textes dans l’édition papier de La Terre publiée le 4 décembre.
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Martin Ménard et Myriam Laplante El Haïli, journalistes.