Élevage 25 octobre 2019

Génétique laitière – De nouveaux joueurs

L’industrie québécoise de la génétique laitière n’échappe pas au phénomène de la mondialisation. Autrefois la chasse gardée d’éleveurs du Québec, l’élevage de taureaux vedettes dépasse maintenant nos frontières.

Le Centre d’insémination artificielle du Québec (CIAQ), qui fait maintenant partie de l’Alliance Semex, a longtemps dominé. Mais voilà que l’américaine Select Sires a fait son entrée dans la Belle Province il y a une trentaine d’années. « Les producteurs voulaient voir d’autres lignées de génétique. C’est ce qui a créé le mouvement mondial », raconte Norman Carson, directeur pour le Québec et l’est de l’Ontario.

« Aujourd’hui, il y a de nombreuses compagnies. C’est un marché mature et la tarte ne s’agrandit pas », résume Denis Descoteaux, directeur commercial au Québec pour la multinationale ABS basée aux États-Unis. En plus de vendre de la semence, plusieurs de ces entreprises offrent des embryons et possèdent leurs propres programmes d’évaluation génétique.

Vaches à lait vs d’exposition

L’environnement plus compétitif a obligé plusieurs producteurs de lait à rechercher des « vaches à lait », c’est-à-dire des bêtes résistantes qui produisent des kilos de gras sans coûter une fortune, explique l’éleveur d’expérience Jean-Jacques Gauthier, de Rawdon. Autrefois connu comme un spécialiste de la conformation, l’éleveur québécois a dû s’adapter.

L’époque où les producteurs développaient des vaches « d’exposition » et des vaches destinées à la vente d’embryons est en train de tomber, croit d’ailleurs M. Gauthier. « Quelques fermes réussissent encore, mais dans l’ensemble, l’élevage de ces vaches-là ne couvre pas les coûts de production et avec la génomique, il y a trop d’offres. Même moi j’ai passé près de faire faillite », dit-il sans tabou.

« Il n’y a plus de place à l’erreur. Les marges de profit sont excessivement fines. Les critères de sélection sont beaucoup plus liés à la performance », indique Patrice Simard, directeur du marketing chez STgenetics, une entreprise du Texas.

Les chefs de file

« Dans la génétique de conformation, le Canada est toujours chef de file, note Denis Descoteaux, d’ABS. En termes de génétique qui répond aux besoins des producteurs gagnant leur vie avec leur paye de lait, les États-Unis dominent. Avec 10 fois plus d’animaux, ils ont un pool substantiellement plus grand », ajoute-t-il.

De leur côté, les Européens ont fait beaucoup de sélection en fonction de la santé, précise James Peel, propriétaire de la compagnie Unigen. 

Des commerçants de génétique rationnels

Au Bas-Saint-Laurent, un jeune couple a démarré une ferme laitière il y a à peine deux ans, mais vend déjà ses vaches et des embryons un peu partout. Son truc : « On a monté notre plan d’affaires comme si on ne faisait pas de génétique. Si on vend une génisse [de bonne génétique], ça devient juste un bonus. Pour les embryons, il faut les vendre d’avance. Tout est très rationnel dans nos décisions », explique Olivier Marquis.

Sa conjointe Marie-Christine et lui connaissent du succès notamment parce que le marché de la génétique de la race Jersey est en hausse pour les sujets « avec des bonnes pattes, un bon pis et qui vont mettre du lait dans le réservoir ».

Modifier la génétique des vaches du futur

La modification des gènes est l’un des sujets de l’heure dans le secteur des bovins, affirme Patrick Blondin, vice-président à la recherche et au développement en embryons chez Boviteq, à Saint-Hyacinthe. Il précise d’abord qu’il ne s’agit pas d’ajouter à un bovin le gène d’un autre animal, mais plutôt « d’éditer » ses propres gènes. Par exemple, la science permet de modifier la séquence génétique d’un embryon de vache afin de la rendre plus résistante à la chaleur ou d’empêcher ses cornes de se développer. « Mère Nature a fait une petite imperfection. On peut corriger ça directement à partir de l’embryon », explique le docteur Blondin.

Pour l’instant, cette technologie n’est pas disponible au Québec, mais des universités américaines et des compagnies privées sont très avancées en la matière. M. Blondin s’attend à ce que ces organisations commercialisent à court terme leurs technologies sur la scène internationale. « Avant d’éditer les gènes des bovins au Québec, il faudra s’assurer que le public est prêt à ça », nuance-t-il, sachant que la venue d’un lait provenant de vaches génétiquement « éditées » pourrait irriter certains consommateurs.

Patrick Blondin, directeur de la recherche et développement chez Boviteq. Photo : Gracieuseté de Boviteq
Patrick Blondin, directeur de la recherche et développement chez Boviteq. Photo : Gracieuseté de Boviteq

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