Politique 18 septembre 2019

L’avenir des pesticides s’apprête à se jouer

NAPIERVILLE — Les auditions de la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles (CAPERN) s’ouvriront le 23 septembre à Québec pour examiner les impacts des pesticides sur la santé publique et l’environnement. Cette semaine-là, 26 intervenants parmi les 76 qui ont déposé des mémoires auront l’occasion de faire valoir leur position. La Terre en a rassemblé quelques-unes et revient sur les récentes visites de fermes des parlementaires susceptibles d’influencer leur travail.

Dans leur quête de solutions pour réduire l’usage des pesticides, les députés de la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles (CAPERN) ont visité trois fermes le 9 septembre dernier. Du lot, une ferme utilisait encore des pesticides. Les deux autres, soit Agri-Fusion, de Saint-Polycarpe, et les Fermes Longprés, des Cèdres, font uniquement dans le bio.

« On voulait rencontrer de gros joueurs dans le bio pour comprendre comment ils faisaient», a expliqué Émilise Lessard-Therrien, députée solidaire de Rouyn-Noranda–Témiscamingue. On ne parle pas d’une agriculture sur petite surface comme celle de Jean-Martin Fortier, mais de gens qui vendent aux supermarchés. »

Questionnée sur la possibilité de répliquer pareils modèles à l’échelle du Québec, Marie Montpetit, vice-présidente de la CAPERN et députée libérale de Maurice-Richard, s’est montrée prudente. « Personne ne nous a présenté une pensée magique en nous disant qu’on pouvait devenir bio du jour au lendemain, dit-elle. Mais on cherche à identifier quels sont les facilitateurs que l’État pourrait mettre en place pour aider les producteurs [dans leur transition]. »

La lutte intégrée à l’avant-scène

Parmi les fermes visitées, il y avait également celle du producteur maraîcher Jean-Bernard Van Winden, à Napierville. Celui-ci avait rassemblé pour l’occasion tout un arsenal d’outils de lutte intégrée, comme des capteurs de spores, des mouches roses stériles ainsi que des trappes à papillons en vue de la visite d’une partie des députés de la CAPERN.

Vêtus chacun d’un ensemble tout-aller, les huit députés ont tour à tour descendu du minibus pour prêter oreille à leur hôte. M. Van Winden leur a expliqué dans le détail comment les différents outils de lutte intégrée qu’il utilise lui ont permis au fil des ans de réduire son recours aux pesticides. « Dans l’oignon, on est passés de 12 pulvérisations de fongicides à seulement 4 ou 5 par année », a notamment indiqué l’agriculteur, un capteur de spores entre les mains.

Selon lui, retirer les pesticides de l’arsenal des producteurs maraîchers de grande surface s’avère « impensable ». Ils pourraient toutefois en utiliser moins en adoptant des technologies qui permettent de détecter les maladies et les ravageurs présents dans un champ afin d’employer un pesticide uniquement lorsque nécessaire plutôt qu’en prévention. Il reste maintenant à développer les outils, explique le producteur. « Techniquement, on pourrait identifier tous les types de champignons par des capteurs comme celui-là, soutient M. Van Winden. Tout ce qui manque, c’est des bidous pour la recherche et le développement. » 


Ce qu’ils diront en audition…

L’UPA prête à diminuer l’utilisation des pesticides

L’Union des producteurs agricoles (UPA) ne veut pas que les pesticides soient bannis, mais son président Marcel Groleau affirme que les agriculteurs peuvent mieux les utiliser et en réduire l’utilisation afin de répondre aux attentes sociétales. Il veut convaincre les politiciens siégeant à la commission de donner les moyens aux producteurs d’améliorer leurs pratiques, notamment en mettant en place un programme de rétribution. Ce dernier récompenserait les agriculteurs qui rendront des services écologiques à la société, tels que l’implantation de bandes riveraines. « Les producteurs savent que la pression populaire est là. Elle n’est pas toujours justifiée, mais elle est là. Ils sont tous d’accord avec nos demandes qui font suite à des consultations auprès de nos groupes », plaide M. Groleau.


« Ce ne sera pas facile pour le monde agricole ces trois journées-là » – Benoit Legault

Les Producteurs de grains du Québec redoutent que la commission entende « un nombre important de gens qui ont des positions radicales sur les pesticides » et où les visions émotives et les solutions magiques laissent souvent peu de place à un dialogue qui prend en considération les réalités de la production végétale, indique M. Legault, directeur de l’organisation. « Ce ne sera pas facile pour le monde agricole ces trois journées-là! J’espère que la commission fera un travail rigoureux en tenant compte des contraintes et de la compétitivité de notre secteur », résume le directeur. 


Le glyphosate, essentiel aux semis directs

« Avant de penser à réduire l’utilisation des pesticides, il faut commencer par mettre les sols en santé. » Voilà le point central de l’intervention que fera Jocelyn Michon, producteur de grandes cultures à La Présentation, en Montérégie. Adepte de la culture en semis direct, l’agriculteur compte expliquer comment il a réussi à se passer de fongicides et d’insecticides en adoptant ce type de régie de cultures. Le producteur se portera aussi à la défense du glyphosate, un herbicide essentiel à son travail.


Plus de transparence réclamée

La Fondation David Suzuki plaidera pour plus de transparence sur l’utilisation des pesticides au Québec, réclamant notamment la création d’une base de données détaillée sur les ventes de ces derniers dans la province ainsi que la cartographie de leur utilisation. « On ne s’en va pas là en disant qu’on veut tout bannir, explique la représentante de la Fondation Louise Hénault-Éthier, mais on souhaite partager nos inquiétudes face à certains produits pour la santé et l’environnement. »


Des applications ciblées en grandes cultures

Le Centre de recherche sur les grains (CÉROM) souhaite créer une base de données spécifique aux ravageurs et aux plantes indésirables de l’est du Canada et la rendre accessible à tous les producteurs. Ces derniers pourront évaluer les parties endommagées de leurs champs grâce à des drones et effectuer des traitements ciblés. « Si vous voulez employer un pesticide, au moins, vous n’allez pas arroser tout le champ, vous [le ferez ponctuellement seulement], où il y a un problème », indique la directrice générale du CÉROM, Gabriela Martinez.


De l’argent pour la lutte intégrée

Jocelyn Leclair, président du Pôle d’excellence en lutte intégrée (PELI) du Centre local de développement des Jardins-de-Napierville, entend démontrer comment les outils de lutte intégrée ont permis ces dernières années de réduire le recours aux pesticides sans nuire pour autant aux productions. « Ça va du simple biofiltre qui sert à nettoyer le pulvérisateur jusqu’à la mouche stérile, explique M. Leclair. On veut aussi démontrer que ces mesures ne sont pas si compliquées que ça à appliquer. » Son groupe en profitera pour militer pour une augmentation des investissements en recherche et développement afin d’accélérer la mise en place de nouvelles solutions en lutte intégrée.

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