Actualités 25 septembre 2019

Le Québec manque de raisins

« Les ventes de vins du Québec sont passées de 1 à 2,3 millions de bouteilles en cinq ans. Les vignobles ont donc de grands besoins en raisins aujourd’hui. Il en faudrait deux fois plus, soit environ 500 ha plus de vignes en production. Le marché est là, mais il manque de producteurs de raisins », assure Fabien Gagné, spécialiste en production viticole et propriétaire des Vignobles Saint-Rémi, en Montérégie.

« Brasser la cabane »

La production de raisins traînait de la patte au Québec il y a six ans. Les viticulteurs l’ont compris et ont remédié à la situation. « La première analyse des rendements qu’on a faite en 2013 nous a assommés : nos producteurs avaient en moyenne un rendement de moins de 3 t/ha [de raisins], tandis que la moyenne canadienne était à 10 t/ha. Ça a réveillé tout le monde », affirme Fabien Gagné, qui produit chaque année un bilan des récoltes pour l’association des vignerons nommée Conseil des vins du Québec (CVQ).

« Plusieurs vignerons mettaient souvent la faute de leurs insuccès sur les autres, mais en vérité, soit qu’ils n’avaient pas le bon cépage au bon endroit, soit qu’ils ne cultivaient pas bien. Ce qui a fait la différence, c’est quand Yvan [Quirion, président du CVQ] a pris un langage plus direct pour brasser la cage », mentionne Charles-Henri de Coussergues, un pionnier de la viticulture au Québec. M. Quirion raconte lui-même : « J’ai dit que le premier responsable du changement, ça devait être soi-même. Après, on s’est doté d’un cadre qualitatif [l’indication géographique protégée Vin du Québec] et on s’est fixé des cibles de rendement. C’est ce qui a poussé la production vers le haut. »

Une belle remontée

En se prenant en main, les viticulteurs ont fait passer leur production de raisins en deuxième vitesse. Les superficies ont augmenté de près de 80 % depuis 10 ans et dépassent maintenant les 1 000 ha. L’amélioration des techniques culturales a également connu un bond majeur, ce qui a permis de doubler la moyenne des rendements depuis six ans. Malgré cela, il manque de raisins en raison d’une demande en vins québécois plus forte que jamais. Un heureux problème!

Des coachs en renfort

La viticulture est une agriculture de pointe où les besoins en connaissances agronomiques sont importants, tout comme les investissements au démarrage qui se chiffrent à plus de 35 000 $/ha.

Conscients qu’il s’agit de deux barrières à l’entrée, les vignerons Fabien Gagné et Charles-Henri de Coussergues ont même décidé chacun de leur côté de « coacher » des entrepreneurs afin de les aider à se lancer dans la production de raisins destinée à la fabrication de vin.

Photo : Martin Ménard / TCN
Photo : Martin Ménard / TCN

Orientation performance

Mont-Saint-Hilaire — René-Carl Martin et sa conjointe Isabelle Beauchemin font partie de ces nouveaux producteurs qui se lancent en viticulture non pas pour l’aspect bucolique, mais pour en faire une entreprise axée sur la performance. Habitués en grandes cultures, ils ont méticuleusement préparé leur sol avant de planter les 5 ha de vignes sur leurs terres situées à Mont-Saint-Hilaire, en Montérégie. Une agronome passe aux deux semaines pour corriger le moindre faux pas. « Faire du soya-maïs et du raisin, c’est complètement deux mondes. Dans les vignes, tu travailles 10 fois plus. Ça demande aussi beaucoup plus de suivi et de précision dans tes opérations. Quelqu’un qui tourne les coins ronds ne réussira jamais », explique M. Martin. À sa 3e année de récolte, le couple obtient déjà d’excellents rendements de près de 10 t/ha de raisins.

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