Vie rurale 12 juin 2019

Passe-droit temporaire pour les néonics

Une pénurie de semences de maïs non enrobées aux néonicotinoïdes force l’Ordre des agronomes du Québec (OAQ) à adoucir temporairement la réglementation en vigueur. Les producteurs de grains qui n’ont pas encore semé leur maïs et qui cherchent à remplacer leurs hybrides par des variétés à croissance hâtive pourront donc utiliser des semences de maïs enrobées advenant qu’ils n’aient pas d’autres choix.

Rejoint par La Terre, le président de l’OAQ, Michel Duval, parle d’une situation « totalement exceptionnelle » pour expliquer la décision de son organisation. « On arrive en juin et certains agriculteurs n’ont toujours pas semé », dit-il. Le hic, c’est qu’à ce moment-ci de l’année, il ne reste plus suffisamment de semences non enrobées sur le marché, selon lui. « Les fabricants américains préparent majoritairement des semences enrobées, dit-il. Lorsqu’on est pris au printemps pour remplacer celles qu’on a commandées, il faut faire avec ce qui reste. »

Lent départ

Le printemps pluvieux et froid qui s’est abattu dans certaines régions du Québec a retardé les semis de plusieurs producteurs de grains, notamment ceux de la périphérie montréalaise. Afin de sauver leur saison, certains doivent maintenant remplacer leurs semences par celles de cultivars plus hâtifs.

C’est pour répondre à cette demande que l’OAQ permettra aux agriculteurs qui n’ont pas semé leurs hybrides à cause de la météo d’utiliser des semences recouvertes de néonicotinoïdes advenant que ce soit les seules auxquelles ils aient accès. Leur agronome devra alors spécifier dans sa justification que le recours à ces semences est dû à des raisons circonstancielles engendrées par la pénurie d’hybrides de maïs.

Réglementation en vigueur

Cette décision survient deux mois après l’entrée en vigueur d’un règlement au Québec qui limite l’emploi de clothianidine, d’imidaclopride et de thiaméthoxame, les trois pesticides du groupe des néonicotinoïdes, aussi communément appelés « néonics ». Depuis le 1er avril 2019, le producteur qui souhaite utiliser ces pesticides ou des semences enrobées par ces derniers doit au préalable obtenir une justification ainsi qu’une prescription d’un agronome.

La décision de l’OAQ n’a fait l’objet d’aucun communiqué officiel. « On ne veut pas que tout le monde s’en serve comme d’une excuse pour faire des changements inappropriés », souligne M. Duval, avant d’ajouter que les personnes qui devaient être informées avaient été contactées. Selon lui, la dérogation au règlement se veut une « situation exceptionnelle » qui sera temporaire. « Lorsqu’on arrive en fin de saison comme ça, il faut être pragmatique », dit-il.

15 agronomes autorisent 50 % des ventes d’atrazine

En 2018, près de la moitié des 1 500 prescriptions d’atrazine ont été signées par seulement 15 agronomes. Le reste des autorisations a été remis aux producteurs par 112 agronomes. C’est ce qui a été révélé en commission parlementaire sur les pesticides à Québec le 28 mai. « Selon l’Ordre des agronomes du Québec, ces quinze-là ont un lien avec un distributeur, un vendeur ou un fabricant », a indiqué le sous-ministre à l’Environnement, Marc Croteau, aux membres de la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles. De plus, certains documents produits par ces 15 agronomes ne répondaient pas aux exigences gouvernementales puisqu’ils ne proposaient pas aux producteurs de solutions de remplacement à l’atrazine. D’après Marc Croteau, ce sera à l’Ordre d’inspecter le travail de ces 15 professionnels pour comprendre ce qui s’est passé.