Actualités 13 mai 2019

Récupération des plastiques d’ensilage : encore du chemin à faire

Bien que l’ensilage préfané en grosses balles soit pratiqué par les agriculteurs québécois depuis près de 40 ans, le bilan en matière de récupération de ces pellicules de plastique est quelque peu mitigé.

Dans la région des Laurentides, Tricentris projetait de mettre en place il y a quelques mois un système de collecte des matières plastiques agricoles dans les MRC Papineau et Mirabel. Un sondage mené auprès des 172 producteurs laitiers et bovins du territoire a cependant refroidi l’ardeur de l’organisme : l’ensemble du groupe cible utilisait environ 43,5 tonnes de plastiques d’ensilage, trop peu pour rendre l’exercice rentable pour Tricentris. De plus, l’enquête a révélé que 20 % des répondants brûlaient cette matière pour s’en débarrasser.

Plusieurs autres municipalités et MRC au Québec ont implanté des systèmes de collecte, mais chacune a sa propre recette et les résultats varient d’un endroit à l’autre. « Il y a plusieurs modèles et aucune ligne directrice. Ça laisse à désirer », déplore Francis Gauthier, directeur de projet chez Gesterra, le gestionnaire des matières résiduelles dans la MRC d’Arthabaska.

Dans cette région du Centre-du-­Québec, un projet pilote a été mis en place avec la collaboration du Centre d’innovation sociale en agriculture (CISA), du Cégep de Victoriaville. Durant toute l’année 2016, des conteneurs de différents formats (4 et 6 m3) ont été installés dans 35 exploitations agricoles de la municipalité de Tingwick. « On a évalué que ça faciliterait la vie des agriculteurs en leur évitant d’aller porter leur plastique dans des points de dépôt ou d’utiliser dix bacs de plastique bleu qu’ils devraient transporter chaque semaine. On estime que cette méthode leur permet de gagner de 50 à 60 heures par année », précise Simon Dugré, coordonnateur du CISA.

Le taux de participation des agriculteurs s’est élevé à 90 %, se réjouit Francis Gauthier, ce qui a permis d’amasser près de 60 tonnes de plastique sur une période d’un an. À l’été 2018, deux autres municipalités de la MRC ont emboîté le pas, Saint-Norbert ­d’Arthabaska et Sainte-Hélène-de-­Chester. Puisque la MRC souhaite à terme que le programme soit étendu dans les vingt-deux municipalités du territoire, trois autres (Kingsey Falls, Sainte-­Élizabeth-de-Warwick et Sainte-Séraphine) se joindront au ­mouvement ce printemps.

Du côté de la MRC des Maskoutains

Dans la région de la Montérégie, c’est AgriRÉCUP qui assume le leadership d’un projet de récupération des pellicules de plastique agricole dans la MRC des Maskoutains. « Nous tentons de trouver un modèle de collecte qui sera bénéfique pour l’environnement, mais aussi pratique pour l’agriculteur, et ce, au plus bas coût possible », explique Christine Lajeunesse, directrice régionale de l’organisme pancanadien.

Amorcé en décembre dernier, le projet pilote implique 250 fermes, et deux types de collectes sont testés. Le premier consiste à inciter les agriculteurs à rapporter leur matière plastique à des points de dépôt à la Coop Comax, à Saint-Hyacinthe, et à la Coop Sainte-­Hélène, à Sainte-Hélène-de-Bagot. Dans le second cas, le plastique d’ensilage est compressé directement à la ferme, ce qui permet d’en accumuler une grande quantité dans un plus petit volume. « On peut donc espacer les collectes et ainsi, diminuer les coûts », précise Mme Lajeunesse. À plus long terme, AgriRÉCUP voudrait implanter la meilleure recette dans les régions du Québec qui sont à la traîne en matière de récupération des plastiques agricoles.

Fermeture du marché chinois

Au manque de coordination des initiatives, il faut ajouter la fermeture il y a plus d’un an du marché chinois au plastique étranger, laquelle a complexifié la situation. Chez Gesterra, on confie que les marchés nord-américains sont encore peu développés parce que les recycleurs avaient l’habitude d’écouler leur marchandise en Asie sans chercher ailleurs. Du côté d’AgriRÉCUP, on l’écoule aussi tant bien que mal, mais on valorise ce qui n’a pu être recyclé en l’envoyant dans une cimenterie à Joliette. « Le plastique est incinéré à des températures de près de 1 500 degrés Celsius. À cette chaleur, toutes les particules de plastique sont détruites. De plus, la cimenterie transforme la chaleur en énergie pour faire fonctionner l’usine. »

Un portrait plus précis ce printemps

Bien conscient qu’il sera difficile d’améliorer le bilan sans connaître l’état de la situation actuelle, RECYC-QUÉBEC a commandé en début 2018 une étude visant à quantifier le gisement des plastiques agricoles, de leur mise en marché jusqu’à leur gestion par les fermes.

L’organisme gouvernemental souhaite ainsi accroître l’état des connaissances sur ces plastiques pour favoriser une gestion adéquate et respectueuse de l’environnement. L’étude dressera aussi la liste des initiatives dans les différentes régions du Québec, un travail qui n’a jamais été fait auparavant. Le mandat a débuté en mai 2018, et les résultats seront connus ce printemps, nous a appris RECYC-QUÉBEC dans un échange de courriels. 

Bernard Lepage, collaboration spéciale.