Alimentation 12 avril 2019

Différents, les millénariaux? Oh que oui!

Ils préfèrent les protéines végétales, mangent bio et favorisent l’achat local. Les millénariaux, ces jeunes de 18 à 35 ans, prennent progressivement leur place dans le monde de la consommation et bousculent les pratiques déjà établies. Quel impact auront-ils sur le secteur agricole? La Terre s’est penchée sur la question.

JoAnne Labrecque est professeure en marketing à HEC Montréal. Chaque jour, elle voit défiler des dizaines d’étudiants dans ses classes. Ceux qu’elle côtoie depuis quelques années se démarquent nettement de leurs prédécesseurs tant par leur façon de vivre que leurs valeurs. « Ces jeunes-là ont grandi avec l’idée qu’ils allaient vivre les changements climatiques, dit-elle. Ils ont aussi développé une grande sensibilité aux questions de bien-être animal et d’éthique, entre autres à cause des documentaires qu’ils ont vus sur Netflix. »

JoAnne Labrecque
JoAnne Labrecque

Pareil contexte a forgé chez eux un système de valeurs qui se distingue de celui des générations qui les ont précédés. Les jeunes de 18 à 35 ans considèrent notamment l’impact qu’ont les élevages sur l’environnement. Et ça se vérifie sur le terrain. Selon les résultats d’un sondage Léger préparé pour le ministère québécois de l’Agriculture et publié en 2017, 44 % des millénariaux disent acheter des protéines végétales (soya, tofu, légumineuses) au moins une fois aux deux semaines. Chez les plus âgés, cette proportion s’établit à 32 %.

Des chiffres plus récents présentés par Nielsen à l’occasion de l’assemblée générale annuelle des Producteurs de pommes du Québec en février dernier démontrent la même tendance à l’échelle du pays. Ainsi, 19 % des millénariaux canadiens affirment être végétariens contre 11 % dans le reste de la population. La même proportion (11 %) dit exclure tout produit d’origine animale de son alimentation alors que cette pratique, le végétalisme, n’est répandue que chez 5 % des Canadiens.

« Il faut aussi ajouter à cette liste tous ceux qui ont adopté le flexitarisme [NDLR semi-végétarisme] », indique pour sa part Mme Labrecque, soulignant que cette approche alimentaire est très populaire chez les plus jeunes.

Voilà pour la propension aux protéines végétales. Mais ce n’est pas tout. Les millénariaux se démarquent également par leur intérêt pour les produits bio, entre autres. Selon les résultats de l’enquête de Léger, 32 % d’entre eux consomment à l’occasion des aliments biologiques alors que cette proportion se situe à 23,5 % dans le reste de la population québécoise. « Ils sont aussi tournés vers l’achat local, ajoute Mme Labrecque, parce que c’est perçu comme garant d’une meilleure qualité. »

Des tendances lourdes

L’arrivée de ces nouveaux consommateurs sur le marché n’est pas à prendre à la légère, selon les spécialistes consultés par La Terre. « Ce sont des tendances lourdes », explique Francine Rodier, professeure de marketing spécialisée en alimentation à l’Université du Québec à Montréal. « Ces comportements vont seulement s’accentuer avec le temps », ajoute-t-elle.

Selon Mme Rodier, les entreprises et les secteurs alimentaires qui tireront leur épingle du jeu sont ceux qui adopteront et mettront de l’avant les mêmes valeurs que celles de leurs clients. « Mais attention, dit-elle, il faudra vraiment les incarner. Si on trahit leurs valeurs, les millénariaux désertent. »

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