À coeur ouvert 22 août 2018

Encore méconnus, les travailleurs de rang

Ça mange quoi en hiver, un travailleur de rang (TR)? Plusieurs producteurs et productrices agricoles s’interrogent sur les services gratuits qui leur sont offerts. Qui de mieux qu’une TR pour expliquer concrètement des aspects de son travail? 

Nancy est TR depuis 2016 dans Chaudière-Appalaches. Elle est au service de l’organisme Au Cœur des Familles Agricoles (ACFA), dont la mission est d’offrir des services psychosociaux favorisant l’amélioration du bien-être des familles agricoles du Québec. Elle offre sur demande des rencontres individuelles et familiales en toute confidentialité. Elle effectue aussi ce qu’elle appelle des runs de lait où elle va à la rencontre des agriculteurs et agricultrices dans leur ferme.

Voici son témoignage : 

coeur_ouvert« Une TR, ça connaît bien l’agriculture, c’est une de ses caractéristiques, mais est-ce que ça fait des traites? Chut! Il ne faut pas que je dise que je suis très bonne là-dedans; j’aurais un poste 24/7. Plus sérieusement, une TR, c’est un peu comme un agriculteur ou une agricultrice, ça porte plusieurs casquettes, ça peut répondre à divers besoins des familles agricoles vivant des difficultés. Les problématiques sont variées, allant des problèmes de couple aux difficultés financières, en passant par les défis du transfert, les problèmes de santé, la recherche de relève, les idées noires, etc. 

« Il y a souvent un cumul de facteurs qui interagissent les uns avec les autres, d’une part parce que la vie professionnelle et la vie familiale s’entremêlent à la ferme, et d’autre part parce qu’en agriculture, il est fréquent de voir plusieurs membres d’une même famille impliqués dans l’entreprise. Je ne vous apprends rien en vous disant qu’on y retrouve même parfois trois générations, avec des projets et des idées qui peuvent différer. Dans le cadre de mon travail, je vois fréquemment des situations où la relation avec un proche est difficile, voire tendue, ce qui crée avec le temps des conflits familiaux. Il devient alors compliqué de travailler et de gérer l’entreprise lorsque les émotions prennent le dessus sur les affaires et empêchent de voir la solution à un conflit. C’est là que je peux intervenir. Je comprends, j’écoute, j’accompagne, mais je ne suis pas impliquée émotionnellement comme les producteurs et productrices peuvent l’être eux-mêmes. 

« Lorsque la courroie de transmission de la communication est brisée, que les membres de la famille ne parviennent pas à s’entendre ou à verbaliser ce qu’ils veulent, une des casquettes que je peux porter est celle de médiatrice. Je peux organiser une rencontre de famille pour permettre à chacun de s’exprimer à tour de rôle et de disposer de la même information. Dans ce rôle, je ne suis pas là pour prendre position, mais pour accompagner les participants, pour favoriser les échanges, etc. Une rencontre individuelle est préalablement nécessaire avec les personnes concernées pour vérifier, entre autres, leur motivation et leurs attentes. Ensuite, je prépare chacun des participants au fonctionnement de la rencontre familiale. Le but des rencontres est de réussir à faire une boucle. Pour y arriver, chacun devra donner de la ficelle… Voilà une des facettes de mon travail. »

Nous avons entendu plusieurs témoignages où le TR a fait une différence positive dans la vie de familles agricoles, allant même dans certains cas jusqu’à remettre des couleurs dans la vie de certains qui voyaient tout en noir. Nous formulons le souhait que dans un avenir proche, les producteurs agricoles de toutes les régions du Québec puissent compter sur un TR pour veiller à leur bien-être.