Actualités 11 juin 2018

La Ferme Valjack nourrit les Canadiens avec son avoine

SAINT-EUGÈNE-DE-GUIGUES — La Ferme Valjack, au Témiscamingue, a déjà été bien connue du public pour sa production de carottes. De 2000 à 2012, celles-ci se vendaient pratiquement à l’année sur les tablettes d’épicerie. Cette culture étant devenue trop laborieuse, le couple propriétaire a décidé de se consacrer exclusivement à la culture céréalière.

Le pari est gagné, mais pas sans défi pour Laurier Jacques et Diane Vaillancourt. Avec leur fils Christian, ils adoptent maintenant de multiples stratégies pour obtenir le meilleur sol qui soit, tout en s’adaptant aux changements climatiques des dernières années.

« On se lève chaque matin pour nourrir le monde », lance fièrement Laurier Jacques, copropriétaire de la Ferme Valjack. Comme pour le travail au champ, il est entouré de sa femme et de son fils pour parler de sa ferme au magazine Grains. Depuis 2010, l’avoine est devenue sa spécialité, combinée avec le blé, le soya et l’orge brassicole. « L’avoine est une valeur sûre. Quand tu as de la qualité, tu n’as pas de misère à vendre ton produit », constate Laurier Jacques. « C’est aussi une culture facile pour les terres, stable pour les sols et idéale pour notre climat », renchérit son fils Christian, qui précise également que sa famille cultive les variétés d’avoine à paille courte, comme la CS Camdem et, depuis cette année, la AAC Nicolas. « Les variétés à paille longue donnent un meilleur rendement, mais elles sont plus complexes à récolter. Elles ont tendance à verser, ce qui leur fait perdre des grains, et elles sont moins résistantes aux vents et à la pluie. »

Connue auparavant pour sa production de carottes, la Ferme Valjack, de Saint-Eugène-de-Guigues, a effectué un virage ces dernières années et se consacre maintenant exclusivement à la culture céréalière. Crédit photo : Émélie Rivard-Boudreau
Connue auparavant pour sa production de carottes, la Ferme Valjack, de Saint-Eugène-de-Guigues, a effectué un virage ces dernières années et se consacre maintenant exclusivement à la culture céréalière. Crédit photo : Émélie Rivard-Boudreau

Chaque année, un peu plus de 700 acres sont consacrés à l’avoine sur les 1 100 acres de culture de la Ferme Valjack, qui réussit à produire deux tonnes séchées par acre. La céréale destinée à la consommation humaine est vendue à la compagnie Quaker et envoyée à Peterborough, en Ontario.

Aux petits soins avec les sols et l’environnement

Un sol en santé, c’est la stratégie qu’adoptent Laurier Jacques et sa famille à la ferme. « Tu as beau avoir les meilleures machines et les meilleurs engrais, si la santé du sol n’est pas là, il n’y aura pas de rendement », soutient-il. Le drainage est une condition essentielle à la bonne qualité des sols. Si cela va de soi pour la majorité des terres dans le sud du Québec, la pratique est beaucoup plus récente dans les champs de l’Abitibi et du Témiscamingue et demande beaucoup d’investissements de la part des agriculteurs.

« Le drainage coûte cher, mais ça se rentabilise », indique Laurier Jacques. « Même qu’on retourne installer de nouvelles lignes dans des champs qui ont été drainés il y a une vingtaine d’années et où il y a eu des manques », souligne son fils Christian.

Outre le drainage, la famille productrice d’avoine a pour philosophie de limiter au maximum l’usage de produits non organiques ou externes. Par exemple, la chaux est épandue seulement à des endroits ciblés à la suite d’un échantillonnage par GPS et l’application des engrais est fractionnée. « Avant, on appliquait toute la dose requise au démarrage. À cause du lessivage, on en perdait beaucoup et les mauvaises herbes en consommaient énormément aussi. Maintenant, on met une dose d’engrais minime au démarrage et on y retourne à la fin juin entre l’épiaison et l’étalage », mentionne Christian Jacques. « On n’y va pas simplement pour repasser, ajoute sa mère, Diane Vaillancourt. On a un agronome qui suit nos champs. Il nous dit s’il y a des maladies ou des insectes, mais on n’y va pas en mode préventif, seulement au besoin. » Toujours dans l’optique d’obtenir la meilleure structure de sol qui soit tout en limitant les intrants, la ferme procède à la rotation de ses cultures pour contrôler les maladies et les mauvaises herbes, comme la folle avoine.

Enfin, toute la paille de la récolte est aussi retournée au sol. « Ça évite la compaction, mais c’est également pour nous procurer de la matière organique, parce que nous n’avons pas de fumier », explique Laurier Jacques. Cependant, cette situation changera dès la prochaine saison, car la compagnie Olymel a acheté une partie des terres de la Ferme Valjack pour construire une maternité porcine. Les champs de Laurier Jacques et Diane Vaillancourt serviront donc, comme d’autres terres du Témiscamingue, à recevoir le lisier. Selon Diane Vaillancourt, ce sera un nouvel élan pour l’entreprise. « Le but, c’est de réduire nos dépenses d’engrais et d’utiliser le lisier de porc, estime la copropriétaire. En ce qui a trait à l’environnement, je préfère y aller avec des fumiers qu’avec des engrais. »

Vue de la Ferme Valjack. Crédit photo : Émélie Rivard-Boudreau
Vue de la Ferme Valjack. Crédit photo : Émélie Rivard-Boudreau

Les défis climatiques

Depuis les 10 dernières années, la Ferme Valjack subit les aléas de la météo. « C’est effrayant, confie Christian Jacques. On a vraiment vécu des années anormales. On passe d’un extrême à l’autre. » En 2014, l’excès d’eau en automne a forcé Christian et ses parents à laisser les récoltes au champ, la neige étant rapidement arrivée par la suite. Puis, au printemps 2017, la pluie très abondante a retardé les semences jusqu’à la mi-juin.

Ces changements climatiques ont pour conséquence de réduire les périodes de semence et de récolte. Devant cette réalité, l’acquisition de machinerie plus sophistiquée risque de s’imposer. « Nos machines ne sont pas désuètes, mais ne nous permettent pas d’obtenir un rendement satisfaisant lors d’une saison compliquée ou de fenêtres de récoltes ou de semis qui sont écourtées », explique Christian Jacques. Actuellement, la famille utilise un semoir JD 455 de 24 pi. Plus à l’aise avec les outils informatiques que ses parents, Christian magasine, depuis environ un an, un semoir en travail simplifié du sol, car une telle machine faciliterait les opérations. « Présentement, le prix de ce qu’on a trouvé ne justifie pas l’investissement à court terme », considère-t-il. 

Depuis le début des années 2000, les bouleversements climatiques ont également fait apparaître plus de champignons dans les champs en raison de l’humidité excessive. Un traitement n’est pas nécessaire tous les ans, mais l’entreprise constate que les fongicides deviennent un produit carrément plus utile que les herbicides. À l’inverse, une sécheresse sévit environ aux trois ans dans la région. Lorsque cela se produit, la famille décide de mettre davantage d’énergie sur sa culture de soya.

Malgré ces défis, l’âge qui avance et les différentes épreuves de la vie, le couple de la Ferme Valjack souhaite poursuivre ses activités durant encore plusieurs années. Laurier Jacques est d’ailleurs particulièrement fier de mentionner que, lors d’une visite à l’usine de Quaker à Peterborough l’an dernier, on lui a dit que la meilleure avoine reçue à cet endroit provenait du Témiscamingue. Cela génère une réelle motivation pour continuer de pratiquer cette culture pendant encore bien des années!

Cet article est paru dans la revue Grains de mai 2018.