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« On ne sera pas les premiers à donner les coups de feu, mais on est prêts. Ça fait quatre ans qu’on en parle », dit l’éleveur Kirk Jackson, de Saint-Anicet, en Montérégie, qui est aussi membre du conseil d’administration de l’Association canadienne des bovins (ACB). Ce à quoi son association se prépare, c’est à une éventuelle arrivée d’un produit qui a l’apparence de la viande, mais est fabriqué en laboratoire.
Présentement, il n’y a, au Canada, aucune usine fabriquant des produits issus de cellules animales en activité, et Santé Canada n’a reçu aucune demande à cet effet non plus. « Mais les producteurs de lait se sont fait prendre », estime M. Jackson, ajoutant qu’une entreprise israélienne, Remilk, a récemment obtenu l’aval de Santé Canada pour la commercialisation d’un « lait » obtenu par fermentation. « Nous, on préfère aller au-devant. »
Les producteurs de bovins canadiens ne sont pas les seuls à être aux aguets. La question est soulevée ailleurs dans le monde, notamment en Europe, où l’on songe même à interdire la production d’un tel aliment sur le territoire. L’ACB n’envisage pas de demander d’interdire la production.
Tout comme les Producteurs de bovins du Québec, l’ACB réclame toutefois que ce type de produit soit clairement identifié sur l’emballage. Et elle s’oppose complètement à ce que le terme « viande » soit utilisé pour le désigner. « Même dans la définition de Santé Canada, la viande doit provenir d’une carcasse », explique l’éleveur.
L’Association dit rester aux aguets face à tout développement. « On s’est déjà fait prendre de court avec la viande végétale, il y a quatre ans, dit-il. C’est là qu’on a décidé de créer le comité Politique alimentaire nouveaux produits, que je préside. Si une demande est faite à Santé Canada, nous serons au courant et notre plan d’action est prêt. » Il précise que ce plan comprend des interventions auprès des agences gouvernementales et du lobbying auprès des instances politiques.
Cela dit, la menace ne lui apparaît pas si inquiétante. L’ACB a eu l’occasion d’entendre deux conférenciers sur le sujet lors de sa rencontre annuelle, les 20 et 21 mars, l’une d’un spécialiste de Santé Canada et l’autre, d’un scientifique expert dans ce type de production. « Il n’est pas possible de fabriquer des découpes ou du muscle à l’heure actuelle. Tout ce qu’on peut obtenir, c’est l’équivalent de la viande hachée, rapporte-t-il. D’autre part, c’est très cher à produire. À 12 $ le kilo, qui est-ce que ça va intéresser? Économiquement, je ne pense pas que nos enfants ou même nos petits-enfants verront quelque chose d’économiquement viable. »
Europe : des démarches d’interdiction en cours
Plusieurs pays européens ont pris des mesures face à l’arrivée éventuelle de la « viande » produite en laboratoire. Le 16 novembre, l’Italie a promulgué une loi interdisant la production et la commercialisation de ce type de viande sur son territoire. En France, un projet de loi similaire est aussi étudié depuis le 5 décembre. Finalement, le 23 janvier, à la suite d’une démarche de la France, de l’Italie et de l’Autriche, le Conseil Agriculture et Pêche a demandé à la Commission européenne de réaliser une étude d’impact sur la viande cellulaire, avant toute autorisation de commercialisation en Europe. Le Conseil juge que cette production soulève des questions éthiques et socioéconomiques, et qu’elle risque d’entraîner la perturbation des modèles alimentaires, et même des paysages.