Élevage 2 février 2011

Bœuf à l’herbe et pâturage intensif

L’élevage de bovins de Walter Last et d’Helen Villeneuve diffère largement des élevages traditionnels : les animaux sont nourris uniquement à l’herbe. Pour réussir cet exploit, ils pratiquent une gestion intensive de leurs pâturages. Depuis deux ans, par temps très sec, le couple va même jusqu’à les irriguer.

En plein cœur de l’Outaouais, à Val-des-Monts, Walter Last et Helen Villeneuve élèvent depuis 2002 du bœuf à l’herbe. Ils misent uniquement sur les pâturages pour nourrir leur troupeau de 25 vaches/veaux. Leur intérêt pour ce type d’élevage remonte à une vingtaine d’années. À ce moment-là, les producteurs laitiers maximisaient les fourrages pour produire du lait. « Avec les vallons puis les sols rocheux, il est vite devenu intéressant d’apprendre à gérer les pâturages de façon intensive. En fait, aucune parcelle n’a été labourée depuis 1996 », souligne Walter Last.

Bœuf à l’herbe

Dans les élevages traditionnels, les bouvillons atteignent un poids carcasse de 225 à 270 kg en 18 mois. Avec une alimentation uniquement à l’herbe, le temps requis pour atteindre ce poids varie de 18 à 25 mois. « Il faut adapter la génétique de notre troupeau pour ce type d’élevage, notamment pour que les animaux soient bas sur pattes. On achète de la semence de race anglaise, de la vieille génétique », indique Walter Last.

Les vêlages sont planifiés pour le début de mai, et les veaux sont sevrés tard à l’automne, en décembre. L’été, les animaux sont déplacés toutes les 12 heures, de parcelle en parcelle. Près des bâtiments de ferme, 5 ha de pâturages sont divisés en petites parcelles de 0,25 ha. « L’important, c’est de ne pas laisser les animaux raser le pâturage, de contrôler la paissance. Sinon on nuit au regain, car on puise dans les réserves des plantes », lance Walter Last. Il affirme qu’il n’y a ni recette ni règle absolue : « La superficie du pâturage en fonction du nombre d’animaux donne seulement une idée générale. »

« Les animaux piétinent les plantes fourragères. En les écrasant, les plantes forment une couche qui conserve l’humidité au sol. Leur décomposition augmente le taux de matière organique », explique M. Last. Le troupeau passe habituellement l’hiver dans un parc près du bâtiment. L’hiver dernier, le producteur a essayé le Bale Grazing, une technique utilisée dans l’Ouest canadien. « J’ai placé dans un champ des rangées de balles rondes, puis installé une clôture électrique entre la première rangée et les suivantes. Les vaches se nourrissent directement aux balles. Au fur et à mesure que les balles sont mangées, on déplace la clôture », décrit Walter Last. Cette technique est applicable lorsqu’il n’y a pas trop d’accumulation de neige au sol, comme ce fut le cas l’hiver dernier. Le pâturage dans lequel le troupeau a passé les quatre mois d’hiver était en parfaite condition ce printemps.

Walter Last souhaite prolonger la période de paissance automnale. Il tentera une nouvelle expérience : « Je veux semer de l’avoine pour la récolter verte en balles rondes, puis semer du chou fourrager. » Ce chou offre un rendement élevé, une bonne valeur nutritive, une croissance tardive ainsi qu’une grande résistance au froid.

Irriguer l’herbe

En 2008, le producteur a acheté un système d’irrigation K-line fabriqué en Nouvelle-Zélande. Avec l’aide du MAPAQ de l’Outaouais, il a pu déterminer les besoins réels en eau des parcelles et la rentabilité du système, grâce à des tensiomètres. « Ce printemps, en avril et en mai, il manquait d’eau. J’ai irrigué mes pâturages », indique Walter Last. On estime les besoins en eau d’un pâturage à 25 mm par semaine.

« Ma source d’eau est un lac en haut de mes terres. Je n’ai pas besoin de pompe; l’eau descend par gravité dans un tuyau en PVC de 610 m de long et de 5 cm de diamètre », explique l’éleveur. Ce tuyau est raccordé à un deuxième tuyau de 225 m et de 3 cm de diamètre, puis attaché au système K-line. Ce dernier est muni de huit gicleurs espacés de 15 m chacun et reliés par un tuyau de 120 m de long. Chaque gicleur couvre une superficie de 180 m2. L’utilisation de tensiomètres a permis de déterminer quand commencer et quand arrêter l’irrigation. « En irriguant pendant huit heures, j’applique 2,5 cm d’eau sur 0,2 ha », précise-t-il. Le système se déplace aisément, il suffit d’attacher le tuyau à un quatre‑roues et de le traîner plus loin dans le champ. Selon les calculs effectués par le MAPAQ, le coût d’utilisation annuel du système d’irrigation à la Ferme Lastholme est de 37 $/ha. Le prix total du système est d’environ 4000 $.

Mise en marché à la ferme

« Nous sommes producteurs forestiers et nous exploitons une érablière; seulement 30 ha sont en culture de foin », précise M. Last. En plus des 25 vaches/veaux, le producteur élève une vingtaine d’agneaux, une quinzaine de cochons au pâturage, des poules et des dindes. En tout, la ferme compte 121 ha. Pour combler les besoins en fourrage des animaux, il loue également 30 ha.

« En misant sur les pâturages pour produire notre bœuf, nos coûts de production sont plus bas. De plus, on arrive à vendre notre viande au même prix qu’à l’épicerie, car il n’y a pas d’intermédiaire », conclut Walter Last. Le couple d’éleveurs se rend tous les samedis au marché de Wakefield, en banlieue de Hull, pour livrer des paniers de viande directement à sa clientèle.