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« À qui appartiennent les données? » La question a souvent refait surface tant à la Journée Innovation qu’au congrès du Réseau québécois de recherche en agriculture durable (RQRAD) chez les producteurs et les chercheurs. Si les données sont devenues « le nerf de la guerre » dans l’agriculture numérique, leur gouvernance soulève de nombreux enjeux quant à leur propriété, leur confidentialité et leur partage, faute de cadre législatif clair sur la question.
L’utilisation de l’intelligence artificielle en agriculture est impossible sans la collecte de données. Celui qui les possède se retrouve dans une position privilégiée, puisqu’il détient de l’information.
La situation varie énormément selon le fournisseur de services technologiques. Dans certains cas, la propriété des données revient aux agriculteurs qui les ont générées. D’autres fournisseurs vont plutôt proposer un contrat avec une cession de droits ou conserver seulement la propriété des données transformées, qui ont une valeur ajoutée.
Par conséquent, si un producteur change de fournisseur, il ne pourra pas nécessairement récupérer son historique de données.
« Si un producteur achète un tracteur qui collige des informations, il devrait être en partie propriétaire de la donnée, soutient Alain N. Rousseau, chercheur à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Et si le fabricant est capable d’obtenir ces informations pour améliorer ses produits et les lui vendre, l’agriculteur contribue indirectement au développement de cette technologie et devrait bénéficier d’une certaine ristourne, un peu comme les intérêts d’une banque. »
D’autres se disent aussi préoccupés par la perte d’autonomie des producteurs advenant une concentration des données entre les mains de quelques grands joueurs. Même s’il dit comprendre la crainte de certains, Hugues Foltz, un des dirigeants de Vooban, tend à relativiser cet enjeu. « Les gens donnent déjà des masses considérables de données sur leur vie privée aux géants du numérique sans savoir comment ils les utiliseront et les données du ministère du Revenu se trouvent déjà sur le nuage informatique. À un moment donné, faut lâcher prise. Au final, quelle est la mission de l’agriculteur? Produire des aliments ou gérer des données? »
Néanmoins, il est faux de croire que les données produites par les agriculteurs sont sans valeur, rappelle le chercheur Paul Célicourt. « Maintenant, il y a croissance de la demande pour des informations sur la traçabilité des produits agricoles. Éventuellement, les chaînes d’approvisionnement voudront des indices sur le faible impact environnemental des fermes, car les consommateurs demandent des aliments plus durables. Cela a également une valeur. »
D’ici à l’apparition d’un cadre législatif sur la question, la prudence recommande de bien lire les petits caractères des contrats.
Vers une première fiducie de données?
La proposition de créer une fiducie des données agricoles a été lancée à l’occasion du congrès du RQRAD. La mission de cet organisme indépendant serait de gérer selon un code d’utilisation les données que lui fourniraient les différentes associations et de les rendre accessibles aux producteurs, aux chercheurs et aux développeurs privés. « Le MAPAQ collige déjà des données, mais les diffuse au compte-gouttes, mentionne Alain N. Rousseau. Une telle fiducie accélérerait l’innovation si tous y avaient accès. Évidemment, l’anonymat des données devra être protégé. »