Vie rurale 4 janvier 2023

Deux grands troupeaux laitiers à livres ouverts

Devant les producteurs réunis à la Rencontre des grands troupeaux laitiers en décembre dernier à Thetford Mines, dans Chaudière-Appalaches, Denis et Charles Groleau, de la Ferme D.M. Groleau, ainsi que Marquis et Martin Rodrigue, de la Ferme Rodcham, ont dévoilé le parcours qui leur ont permis d’intégrer la famille des grands troupeaux laitiers du Québec. Les présentations se sont soldées par la visite des fermes.


Les Groleau n’aiment pas les dettes

Avant la visite de leur ferme, près de Thetford Mines dans Chaudière-Appalaches, Denis et Charles Groleau ont expliqué avoir toujours en tête l’objectif de rembourser leurs dettes. Photo : Gracieuseté de Via Pôle d’expertise en services-conseils agricoles
Avant la visite de leur ferme, près de Thetford Mines dans Chaudière-Appalaches, Denis et Charles Groleau ont expliqué avoir toujours en tête l’objectif de rembourser leurs dettes. Photo : Gracieuseté de Via Pôle d’expertise en services-conseils agricoles

Denis Groleau et son fils Charles n’aiment pas les dettes. C’est en partie ce qui leur permet aujourd’hui de produire 260 kilogrammes de matière grasse par jour (kg de MG/jour), en plus de cultiver 190 hectares en plantes fourragères.

Mais le succès de la Ferme D.M. Groleau, dit à la blague Denis, n’est pas en lien avec celui de son frère Marcel, l’ancien président de l’Union des producteurs agricoles. « En 1988, je me suis associé avec mon frère Marcel. La plupart du monde le connaît encore, oui? Une chance que je l’écris parce que des fois, j’oublie que mon frère est là », indique ce dernier en provoquant un fou rire général.

Blagues à part, il précise qu’au début, la ferme avait un quota de 37 kg de MG/jour. « On a toujours grandi graduellement. C’est plate, mais je n’aime pas ça, être endetté. J’ai peur des dettes et je vis mal avec des dettes, alors j’ai toujours monté une marche d’escalier à la fois », dit-il. Puis, en achetant un 2e site comprenant une étable en 1997, les taures ont pu y être transférées graduellement, ce qui a permis de rentrer des vaches et du quota dans la première. La ferme produisait alors 71 kg de MG/jour. Puis, il a fallu construire une nouvelle étable en 2003. « L’étable de 1997, j’ai rentré un pipeline là-dedans et j’ai tiré 20 vaches tout l’hiver et ça nous a permis de produire ces marges-là et emmener du revenu substantiel, parce que 20 vaches sur 60, ça paraissait », dit Denis Groleau.

D’ailleurs, le producteur insiste sur le fait qu’il a toujours géré les projets d’agrandissement ou de rénovation lui-même, jamais de clé en main. Par contre, en faisant faire des soumissions, il était en mesure d’évaluer la différence entre les coûts réels et estimés. La nouvelle étable de 2003 a coûté 320 000 $, avec une économie de 60 000 $ en le faisant lui-même. Cette dernière a été utilisée jusqu’en 2019. Quand l’étable de 2003 est entrée en fonction, l’étable de 1997 a été transformée par les Groleau en étable à logettes (pour 63 taures) au coût de 110 000 $. L’étable de 2003 avait été construite pour produire 100 kg de MG/jour et elle en produisait 180. « C’était hyper rentable », souligne Denis Groleau.

L’homme se décrit lui-même comme étant non impulsif et n’a jamais acheté de machinerie pour le plaisir, seulement pour combler les besoins. « Qu’est-ce qu’on faisait avec l’argent, le solde résiduel intéressant? Rembourser mes dettes. De sorte que lorsqu’on a bâti une étable en stabulation libre en 2019, on n’avait plus de dettes. On a rentré quatre robots, mais on a converti la laiterie qu’on avait déjà », explique-t-il. Son fils Charles et sa conjointe Brigitte sont alors devenus actionnaires de l’entreprise en achetant les parts de Marcel.

En 2021-2022, la famille a converti l’étable de 2003 en logettes pour les taures au coût de 160 000 $, et un service de pension pour taures est offert dans l’étable de 1997.

Aujourd’hui, même après la construction de la ­dernière étable, l’entreprise cumule une dette de seulement 11 000 $/kg de quota. « J’ai baissé ma dette ­beaucoup et avec mon solde résiduel [de près de 30 %], je n’ai pas besoin d’emprunter pour financer des ­projets », dit le producteur.


Les Rodrigue contrôlent les coûts d’alimentation et d’entretien

 

En matière de dépenses générales, la Ferme Rodcham fait bonne figure, avec un taux de charge de 43 % sur un chiffre d’affaires de 1,3 M$. Photo : Gracieuseté de Via Pôle d’expertise en services-conseils agricoles
En matière de dépenses générales, la Ferme Rodcham fait bonne figure, avec un taux de charge de 43 % sur un chiffre d’affaires de 1,3 M$. Photo : Gracieuseté de Via Pôle d’expertise en services-conseils agricoles

« Là où les Rodrigue tirent leur épingle du jeu, c’est dans le contrôle du coût du kilogramme de gras et 5 % du chiffre d’affaires sur le parc de machinerie totale, incluant le forfait », a résumé le conseiller Michel Vaudreuil à la suite de la présentation des frères Martin et Marquis Rodrigue au sujet de leur ferme de Saint-Adrien-d’Irlande, dans Chaudière-Appalaches.

Lors de la présentation de l’analyse des grands troupeaux laitiers de 2021, Michel Vaudreuil a indiqué que le coût des concentrés alimentaires par kilogramme de matière grasse produit devrait représenter 18 % de la paye d’un producteur, mais que la moyenne du groupe de tête des 127 grands troupeaux laitiers analysés en 2021 se situe à 3,72 $/kg, soit 22 % de la paye de lait.

Avant la visite de leur ferme, Martin et Marquis Rodrigue ont indiqué avoir eu un taux de charge de 5 % pour leur machinerie en 2021. Photo : Gracieuseté de Via Pôle d’expertise en services-conseils agricoles
Avant la visite de leur ferme, Martin et Marquis Rodrigue ont indiqué avoir eu un taux de charge de 5 % pour leur machinerie en 2021. Photo : Gracieuseté de Via Pôle d’expertise en services-conseils agricoles

 

Or, à 3,16 $/kg, la Ferme Rodcham atteint le pourcentage convoité, ce qui réduit considérablement le taux de dépenses de la ferme. « Le coût de la protéine n’est pas donné, alors on négocie nos prix le plus possible. On cherche à avoir la protéine au meilleur coût possible pour avoir des résultats comme ça. Quand c’est le temps de négocier avec nos fournisseurs, on s’assoit et on jase et ça vaut la peine de faire le travail parce qu’il y a une économie à faire », explique Martin Rodrigue.

La ferme Rodcham produit 141 kilogrammes de matière grasse par jour (kg de MG/jour) avec 130 vaches et 100 sujets de remplacement. L’entreprise cultive 315 hectares, dont 107 en fourrages, 27 en maïs d’ensilage et 181 en bois (érablière de 16 000 entailles). La ferme tire 70 % de ses revenus du lait.

La ferme se démarque également par un taux de dépenses d’entretien, de location de la machinerie et de carburant de seulement 5 % en 2021. « Bien des troupeaux sont plus haut que ça. Michel Vaudreuil disait, pendant la présentation, que chaque pourcentage de gain équivaut à 22 000 $. Nous, c’est moins que ça parce que le troupeau est moins gros, mais ça représente quand même pour nous une économie de 55 000 $ par année », indique Marquis Rodrigue.

En 1990, la famille Rodrigue a elle-même construit un garage à machinerie de 45 pieds par 125. En 2016, elle a construit un nouveau garage, qui fait office d’atelier de mécanique chauffé, car le premier était trop petit et il fallait un endroit où faire la maintenance de la machinerie. « Ils vous ont présenté le garage qu’ils ont fait. Ce n’est pas pour rien! Ils sont très, très habiles dans la gestion au niveau du parc de machinerie. Et les tracteurs, il n’y a rien de 400 000 $ ou 500 000 $ là », indique M. Vaudreuil.