Alimentation 8 septembre 2022

Plaidoyer pour assouplir le commerce interprovincial de produits du terroir

Depuis 20 ans, les agrotransformateurs des deux provinces se donnent rendez-vous à Ville-Marie vers la mi-août pour célébrer le terroir des régions agricoles voisines. Le temps d’une fin de semaine, la Foire gourmande de ­l’Abitibi-Témiscamingue et du Nord-Est ontarien bénéficie d’une permission spéciale du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) pour permettre aux producteurs de l’Ontario de proposer leurs produits de ce côté-ci de la frontière.

L’éleveur ontarien de bisons Pierre Bélanger, qui a fondé il y a 50 ans l’entreprise Bison du Nord, est du rendez-vous depuis les débuts de l’événement. Il manque de mots pour décrire l’obstacle immense que représentent les mesures protectionnistes entre les deux provinces. « On est juste à côté, mais on ne peut pas commercialiser au Québec à cause de la sacrée réglementation qui fait qu’il n’y a pas de réciprocité entre les provinces », déplore le producteur.

Impossible en effet de commercialiser tout produit fini — viande ou autres produits transformés — au Québec. Pour être vendu dans les boucheries québécoises, l’animal doit traverser la frontière vivant avant d’être abattu. Quelques fois par année, Christel Groux, la copropriétaire de la Boucherie des Praz, à Rouyn-Noranda, également titulaire d’un permis d’abattage de proximité, fait venir des bêtes de M. Bélanger, dont elle écoule la viande dans le temps de le dire. « Je ne peux pas acheter leur viande pour la commercialiser parce qu’ils le font dans un abattoir provincial [à Belle-Vallée, soit à un jet de pierre du Québec] », illustre Christel Groux.

Pierre Bélanger est persuadé que le gouvernement québécois ferait du développement économique rapide en concluant une entente de réciprocité avec l’Ontario. « Tu ouvrirais tout d’un coup un marché flambant neuf. Je ne parle pas d’exportations en Europe ou au Brésil. Je parle de vendre à côté où les gens voyagent déjà beaucoup. Et tu aurais un impact immédiat. En plus, ça réglerait, du côté québécois, le problème d’abattoir », soutient-il. 

L’abattoir provincial sur la glace

Un projet de construction d’abattoir sous inspection provinciale à Notre-Dame-du-Nord, mené par Christel Groux et d’autres partenaires, vient d’ailleurs d’être mis sur la glace en raison de l’explosion des coûts de construction liée à l’inflation. Christel Groux mentionne que l’annonce du MAPAQ selon laquelle un maximum de 50 % des fonds peut provenir de deniers publics a pesé dans la balance. « On a travaillé fort pendant deux ans sur le projet qu’on voulait faire une construction neuve avec cuisine de transformation. On avait ciblé le terrain à Notre-Dame-du-Nord, on avait une promesse d’achat, on avait fait les travaux, on avait les plans, on était dans la phase finale du financement, il nous restait à attacher quelques affaires. Je ne dormais plus de la nuit; ça n’avait plus d’allure », raconte la copropriétaire de la Boucherie des Praz, mentionnant que le projet, d’abord évalué à 3 M$, dépassait alors le cap des 10 M$.

L’option de rénover l’abattoir d’Évain pour le faire passer d’abattoir de proximité à un abattoir sous inspection provinciale redevient donc intéressante. « On a eu des plans préliminaires et tout ça. On prend l’été et au mois de septembre, on va se remettre là-dedans », conclut-elle.

Émilie Parent-Bouchard, collaboration spéciale