Vie rurale 23 septembre 2022

Systèmes de surveillance : l’œil qui veille

Il est 6 h 45 le matin du 4 janvier 2021 lorsque Alain Joubert reçoit l’appel crève-cœur d’un bon voisin : son érablière est en train de brûler. Situé 1 km dans la forêt, sans électricité, le site foisonne d’accélérants caractéristiques : réservoirs à essence pour les génératrices, bonbonne de propane pour le frigo, et du bois, partout… L’incendie qui fait rage est visible à 18 km de distance. À l’arrivée des pompiers, le bâtiment qui exploitait 2 000 entailles sur 70 arpents de terre dans le 12e rang à Saint-Théodore s’était déjà désintégré au sol.

Les restes de l’érablière d’Alain Joubert, au lendemain de l’incendie. Photo :Gracieuseté d’Alain Joubert
Les restes de l’érablière d’Alain Joubert, au lendemain de l’incendie. Photo :Gracieuseté d’Alain Joubert

S’ensuit le déroulement complexe d’une enquête criminelle, où M. Joubert doit répéter son témoignage à plusieurs intervenants judiciaires, du représentant des assurances aux policiers de la Sûreté du Québec et au chef des pompiers, aussi formateur spécialiste en accélérants. Comment a-t-il appris le délit? Où se trouvait-il au moment des faits? Des questions de routine qui servent d’abord à le disculper, puis, avec un peu de chance, à révéler la piste du malfaiteur. Un véritable défi, car ce type de méfait n’est pas un fait isolé : vol de véhicules tout-terrains, d’équipement de ferme, de mobilier, vandalisme… Les délits se sont multipliés au cours des dernières années. Avant d’incendier l’érablière d’Alain Joubert (qui avait aussi été dévalisée à trois reprises dans le passé), le malfrat avait fait le tour des voisins. « L’hypothèse retenue par les enquêteurs est l’acte de vengeance ou la tentative de dissimuler son ADN laissé sur le site », témoigne le producteur, qui avoue avoir contemplé une réflexion difficile. « Avec ma conjointe, on a pris le temps de regarder si on vendait ou si on recommençait », confie-t-il avec humilité. Au centre d’enjeux opérationnels et humains déchirants surgissent des défis logistiques parfois complexes. 

En l’absence de réseau, la caméra IP peut se connecter à Internet sans fil via une station turbo à condition qu’un téléphone cellulaire fonctionne.
En l’absence de réseau, la caméra IP peut se connecter à Internet sans fil via une station turbo à condition qu’un téléphone cellulaire fonctionne.

Le problème du réseau

Pour beaucoup d’érablières isolées, fonctionner sans accès au réseau de télécommunications indispensable aux technologies intelligentes implique deux possibilités : rejoindre le réseau (entre autres par un accès mobile comme un téléphone intelligent) ou s’en configurer un via un modem satellite. 

Parmi les choix à considérer en circuit fermé, le NVR (ou Network Video Recorder) présente une option minimaliste d’enregistrement vidéo relativement facile à installer. « Ce type de système assure une surveillance 24 heures sur 24 et permet de visionner et de stocker des séquences sur le NVR sans être connecté à Internet », explique Rita Zhu, conseillère technique chez Reolink. « Il est doté des fonctionnalités classiques comme l’enregistrement en continu et il offre aussi la détection avancée de personne ou de véhicule sans abonnement supplémentaire. Il nécessite toutefois une douzaine de mètres de câble pour se connecter au NVR. »

Le système NVR permet de visualiser et de stocker des séquences sur vidéo sans être connecté à Internet. Photo : Gracieuseté de Reolink
Le système NVR permet de visualiser et de stocker des séquences sur vidéo sans être connecté à Internet. Photo : Gracieuseté de Reolink

Pour ceux que la perspective des fils rebute, la caméra à batterie 4G offre une option adaptable qui peut se déployer avec ou sans câblage et se connecter au réseau selon le contexte. « Les caméras qui ne nécessitent pas de câblage sont alimentées par des panneaux solaires et elles se connectent au réseau via la 4G », précise Mme Zhu. « Cependant, elles ne peuvent pas assurer une surveillance 7/24 et elles ne s’activent que lorsqu’un mouvement est détecté ou prévisualisé; en outre, une carte SIM et un abonnement à un forfait trafic sont nécessaires. »

Construction du toit sur le nouveau bâtiment. Photos : Gracieuseté d’Alain Joubert
Construction du toit sur le nouveau bâtiment. Photos : Gracieuseté d’Alain Joubert

À mi-chemin, la caméra IP propose une option facilement accessible pour Internet sans fil. « Quand les gens n’ont pas de réseau, mais que leur téléphone cellulaire fonctionne à la cabane, je leur propose d’installer une station turbo », explique Jonathan Côté, conseiller technique chez CDL. Les dimensions de l’appareil sont semblables à celles d’un modem et il est offert chez tous les fournisseurs de services Internet. Seule condition : le téléphone cellulaire doit être fonctionnel. Ici, deux barres sur l’indice de réception suffisent pour obtenir une excellente performance de la station turbo. « L’appareil utilise le réseau cellulaire pour le transformer en accès Internet filaire et alimenter la caméra de surveillance », précise M. Côté. Une fois l’appareil installé, il s’agit de choisir le forfait qui convient auprès de son fournisseur Internet. « Souvent, les gens vont s’installer une station turbo et opter pour un forfait pendant les deux ou trois mois de la haute saison et ensuite annuler le service. Ils ont aussi l’option de garder le compte actif et de bénéficier d’Internet pour surveiller leurs installations en tout temps avec un forfait de base payable sur une base mensuelle. »

Rebâtir aussi la confiance

Quant à Alain Joubert, il est reparti à zéro. Après plus d’un an de labeur acharné et avec beaucoup d’aide, 350 billots sciés pour se frayer un chemin vers un nouveau site et d’innombrables délais d’approvisionnement, il a finalement rebâti son érablière. Au moment d’écrire ces lignes, il était en attente de l’intervention d’Hydro-Québec pour le connecter au réseau, puis configurer son tout nouveau système de sécurité. En attendant, sa conjointe et lui occupent les lieux pour veiller sur l’équipement en place. Le voisin couche d’ailleurs lui aussi à sa cabane, « parce que tout le monde a une crainte ». Le futur dispositif de surveillance d’Alain Joubert sera un système de caméra avec détecteur de mouvement relié à Internet. Un système d’éclairage illuminera également le site de la cabane et le chemin d’accès. Encouragé par ce nouveau projet de vie, l’homme demeure réaliste. « Ça ne nous met pas à l’abri des cambrioleurs cagoulés, mais c’est un élément dissuasif. »

La nouvelle érablière d’Alain Joubert, dont l’installation s’est terminée en août 2022.
La nouvelle érablière d’Alain Joubert, dont l’installation s’est terminée en août 2022.

Ici, les statistiques lui donnent raison. Des études démontrent que la moitié des tentatives de cambriolage sont interrompues lorsque les vandales ont détecté la présence de dispositifs antivol. Au demeurant, le fait de détenir des preuves tangibles de l’heure d’une infraction et de l’allure du malfaiteur fournit des indices susceptibles d’accélérer la résolution du crime. Outre le sentiment de sécurité, c’est là le plus grand avantage de l’œil qui veille. 


Nathalie Laberge, collaboration spéciale

Cet article a été publié dans l’édition de septembre 2022 du magazine Forêts de chez nous.