Vie rurale 17 août 2022

Rencontre avec Arthur Roy, le trappeur d’Expo-Champs

L’expression « veiller au grain » prend un sens tout particulier avec Arthur Roy. Cet authentique trappeur, qui compte plus de 70 ans d’expérience, a pour mission de protéger les parcelles à Expo-Champs. Si les semenciers peuvent dormir sur leurs deux oreilles, c’est grâce à lui.

La région de Saint-Hyacinthe n’a plus de secret pour Arthur Roy, qui y trappe depuis plus de 70 ans.
La région de Saint-Hyacinthe n’a plus de secret pour Arthur Roy, qui y trappe depuis plus de 70 ans.

À presque 80 ans, Arthur Roy peut encore passer pour une petite jeunesse. Gestes précis, poignée de main vigoureuse, il grimpe avec aisance sur son quatre-roues pour entamer sa tournée matinale du site à Saint-Liboire, suivi de son fidèle Jack, un croisé berger allemand et husky.

Au bout d’un moment, il s’arrête et descend inspecter une parcelle. Deux tiges de maïs ont été saccagées et les épis copieusement grignotés. « Ça, ce sont des ratons laveurs. Ils savent quand les épis commencent à être sucrés. Si rien n’est fait, ils peuvent massacrer facilement trois-quatre rangs », explique-t-il tandis que son compagnon à quatre pattes renifle autour de nous avec frénésie.

Le trappeur installe alors une cage montée sur une table près de la scène de crime. Pourquoi donc une table? « Pour éviter d’attraper une moufette. C’est plus compliqué à transporter. » 

Depuis sept ans, les organisateurs d’Expo-Champs font appel à Arthur Roy pour préserver la qualité des parcelles sur le site. Les ravageurs ne manquent pas. Les fossés le long de l’autoroute regorgent de rats musqués et de marmottes qui viennent s’attaquer au soya, tandis que les ratons laveurs et les moufettes présents dans les bois à proximité raffolent du maïs. En une saison, l’homme peut capturer une vingtaine d’indésirables sur le site de l’exposition, qu’il relâche dans une forêt isolée.

Un adjoint qui a du flair

Pour remplir sa mission, Arthur Roy peut compter sur l’aide de Jack. « Il vient rentrer son nez dans les trous de siffleux et m’indique le bon endroit où mettre les cages. »

D’ailleurs, la façon dont il a trouvé Jack vaut la peine d’être racontée. « Je trappais chez un gars de la région et le chien lui appartenait. Il n’avait plus que la peau sur les os et il allait le tuer. Je l’ai donc ramené chez moi. »

Depuis, le canidé a repris du poil de la bête et accompagne son nouveau maître partout, que ce soit à la trappe ou pour garder ses moutons et ses sangliers. « Il a appris tout seul à garder un troupeau. Il est brillant. J’en ai eu toute ma vie, des chiens, mais celui-là, je ne le vendrais pas même pour 5 000 $ », confie-t-il en décochant un coup d’oeil affectueux à son compagnon.

Une vie de trappage

Ce natif de Saint-Hélène-de-Bagot a trappé toute sa vie, ou presque. « J’ai commencé à six ans sur la ferme avec des perdrix et des lièvres. Je n’ai jamais arrêté depuis. C’est ma passion. »

Arthur Roy a longtemps pratiqué son métier dans les environs de Saint-Hyacinthe pour le commerce des fourrures, souvent accompagné de ses trois fils. Il débitait et dégraissait lui-même ses prises pour les revendre ensuite à la North American Fur Auctions, qui a cessé ses activités en 2019. C’était l’un des meilleurs, certificats d’excellence à l’appui. « À une certaine époque, c’était payant. Je pouvais capturer 200 ratons laveurs par année, des loutres et des renards, et on m’en donnait un bon prix, mais maintenant, ça ne vaut plus la peine. »

Sa plus belle prise est sans doute un castor de 85 livres piégé à Béthanie, au cuir épais et au pelage encore luisant sous le soleil. « Mes chums me l’ont tous demandé pour le donner à leur blonde. J’ai préféré l’offrir à ma femme », dit-il, un large sourire au visage.

Désormais, on l’appelle surtout pour piéger des animaux qui causent des ravages dans les fermes ou dans les maisons. « Encore l’autre jour, on m’a demandé de l’aide parce que les siffleux avaient pris le contrôle d’un terrain. Ils avaient creusé des galeries jusqu’au solage de la bâtisse et grugeaient les pièces électriques. J’en ai attrapé 28! »

Au cours de sa longue carrière de trappeur, Arthur Roy a piégé parfois des animaux hors du commun comme des pékans, des opossums et même un lynx, encore une fois à Béthanie. « Mes petits-fils marchaient au-devant de moi et m’ont dit qu’ils venaient de trouver un gros minou! Jamais vu une aussi belle bête. Évidemment, je l’ai retourné à la faune. »

Malgré son âge, Arthur Roy n’est pas près d’arrêter. « Je fais 15 paroisses et je reçois des appels tous les matins. Faire ce que j’aime et le faire avec mes fils et mes petits-fils me permet de rester jeune. » 

***

Ce texte est tiré du cahier spécial Expo-Champs, de l’édition de La Terre de chez nous du 17 août 2022.