Vie rurale 21 juillet 2022

La poule et l’œuf

MARIEVILLE – La popularité des poules pondeuses semble au beau fixe. Alors que de nombreuses municipalités de la province autorisent leurs citoyens à en posséder quelques-unes, une vingtaine d’agriculteurs se sont dotés de troupeaux de 500 oiseaux ou moins depuis 2016. Si, pour certains, la vente d’œufs sert de revenu d’appoint à une production saisonnière, d’autres y voient une façon de diversifier leurs activités et de mieux utiliser les ressources dont ils disposent. Mais attention! Toutes les poules ne sont pas aux œufs d’or!

Sylvain Lapierre accompagne les agriculteurs qui se lancent dans la production d’œufs à petite échelle. « Notre rôle, c’est d’aider les nouveaux producteurs à éviter les erreurs. » Photo : Gracieuseté de Sylvain Lapierre
Sylvain Lapierre accompagne les agriculteurs qui se lancent dans la production d’œufs à petite échelle. « Notre rôle, c’est d’aider les nouveaux producteurs à éviter les erreurs. » Photo : Gracieuseté de Sylvain Lapierre

Alexandre Loiselle possède La Ferme d’Alex, qui deviendra bientôt Les bien élevés, située le long de l’autoroute 10, à Marieville. Il fait partie de ceux dont l’entrée dans l’univers des poules pondeuses relève davantage du concours de circonstances que du projet finement planifié. 

Lorsque le locataire de la boutique fermière qu’il possède sur le rang de l’Église part en catimini, Alexandre Loiselle décide d’en reprendre l’exploitation. Celui qui est d’abord producteur laitier à Sainte-Brigide-d’Iberville élève aussi du bœuf qu’il pourra transformer et vendre directement à la boutique. Comme il dispose de bâtiments inutilisés et d’une équipe de trois travailleurs étrangers temporaires, l’idée d’ajouter les poules pondeuses à ses activités s’impose rapidement. Résultat : Alexandre Loiselle se retrouve maintenant avec un poulailler de 400 pondeuses, un kiosque de produits fermiers variés et des ­travailleurs pleinement occupés. 

« Y a une belle demande pour les œufs », observe l’entrepreneur au sourire facile et aux ambitions multiples. « C’est un beau complément à ma boutique fermière. On fait des produits transformés, donc on a besoin d’œufs pour nos produits et avec le poulailler, on a nos œufs au prix coûtant. Ce n’est pas négligeable et ça représente un beau revenu d’appoint », dit-il, tout en précisant, sourire en coin, que tout intéressant qu’il soit, ce revenu d’appoint ne permettrait pas d’acheter un chalet « dans le nord ». 

Quelques clés pour réussir

« Cinq cents pondeuses ne permettent pas de faire vivre son agriculteur », admet Sylvain Lapierre, 1er vice-président de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec et responsable du programme d’aide au démarrage (PAD) des élevages de 500 poules et moins. « Ce sont beaucoup des entreprises qui ont déjà des légumes qui vont faire de la vente, soit dans les paniers bio, dans les marchés publics ou directement à la ferme », indique celui qui fait aussi de la vente directe à la ferme, malgré ses 50 000 pondeuses. 

Profiter d’un marché de proximité représente la première clé du succès d’un élevage d’une aussi petite taille, croit Sylvain Lapierre. « C’est sûr que la localisation est importante. Quand tu es près d’une route passante, ça aide. Les gens arrêtent sans faire de grands détours », explique-t-il. Le mentor recommande également de commencer avec un nombre limité de poules, et d’augmenter le cheptel petit à petit si la demande des consommateurs se confirme. « C’est mieux de commencer plus petit pour créer une certaine rareté, pour être capable de garder ton prix pour arriver », explique-t-il. Pour Sylvain Lapierre, le producteur doit aussi savoir se rendre là où se trouvent les acheteurs. « Certains vont dans les marchés publics, d’autres, lorsqu’il y a de grandes entreprises dans le village, vont dire, le mercredi par exemple : “Je serai dans votre stationnement entre midi et une heure pour vous offrir mes œufs.” » La gestion des stocks, particulièrement en hiver, constitue un autre art que doivent maîtriser les petits producteurs d’œufs. « Une façon de disposer des surplus, c’est de les transformer », indique Sylvain Lapierre.

C’est d’ailleurs ce que l’équipe d’Alexandre Loiselle fait avec les ­quiches qu’elle propose à ses clients. Il lui arrive même de donner une partie de ses surplus au Centre d’action bénévole de la place. « Ces gens-là m’ont beaucoup aidé dans le passé avec les journées portes ouvertes à la ferme. Je me sens en dette envers eux, alors on leur donne un peu d’œufs, une fois de temps en temps. »  

Claude Fortin, collaboration spéciale