Élevage 7 juillet 2022

Dindons : une formule de prix devenue caduque

Les éleveurs de dindons du Québec et leurs acheteurs devront rouvrir leur Convention de mise en marché, avec laquelle ils travaillent depuis 27 ans, en raison de plusieurs « distorsions » entre le marché ontarien et québécois.

« La rentabilité des éleveurs est désastreuse. » – Pierre-Luc Leblanc, président des Éleveurs de volailles du Québec
« La rentabilité des éleveurs est désastreuse. » – Pierre-Luc Leblanc, président des Éleveurs de volailles du Québec

C’est ce que leur a suggéré la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (RMAAQ) dans une décision rendue le 10 juin qui portait sur la demande d’arbitrage des Éleveurs de volailles du Québec concernant le prix des dindonneaux femelles (voir encadré).

Cette demande découle du mode de calcul du prix payé par les acheteurs aux éleveurs, qui est fixé depuis 1998 en fonction de la formule utilisée par les Producteurs de dindons de l’Ontario (Turkey Farmers of Ontario). Cette formule de référence est également celle sur laquelle se basent les autres provinces canadiennes pour établir leur prix.

Or, selon la Régie, l’application de la formule de prix ontarienne au Québec est « de plus en plus difficile, tant pour les EVQ que pour le CQTV [Conseil québécois de la transformation de la volaille], compte tenu de diverses distorsions qui surviennent sur certaines des composantes et qui sont propres à une province sans nécessairement impacter les autres. Le coût des dindonneaux en est un exemple », écrit-elle dans sa décision.

Réouverture de la Convention

Concernant la distorsion de prix des dindonneaux femelles, les EVQ et le CQTV ont chacun proposé une solution pour régler l’écart de manière ­permanente.Les EVQ ont suggéré l’introduction d’un prix de base pondéré, ajusté annuellement, avec divers ajustements possibles, notamment par rapport à la qualité du produit. Pour sa part, le CQTV a proposé un prix fixé en fonction de la qualité du produit.

La RMAAQ a toutefois rejeté l’une et l’autre de ces propositions, considérant qu’elles dépassaient le cadre de l’article 9 de la Convention de mise en marché et qu’elles visaient plutôt « des modifications importantes au processus de détermination des prix du dindon adopté par les parties depuis 1998 ». Conséquemment, elle a orienté les deux parties vers la table de négociation tout en leur suggérant de rouvrir la Convention et d’en modifier les termes, se disant même surprise que ceux-ci ne l’aient pas fait avant.

Photo : Martin Ménard / TCN
Photo : Martin Ménard / TCN

Une étape jugée nécessaire

La contestation de la Convention de mise en marché, en place depuis 1995, est une étape devenue nécessaire, estime Pierre-Luc Leblanc, président des Éleveurs de volailles du Québec. En effet, « le Québec est actuellement la province canadienne où les éleveurs de dindons sont les moins bien rémunérés », estime-t-il. Selon lui, l’écart de prix avec l’Ontario ne concerne d’ailleurs pas uniquement les prix des dindonneaux femelles, mais plusieurs autres éléments, dont la moulée. « Ça crée un vrai manque à gagner. Depuis janvier, nous avons accumulé des pertes de 350 000 $ », rapporte-t-il.  

Le CQTV, de son côté, soutient que la différence de prix des dindonneaux avec l’Ontario était sur la voie de se résorber, en raison d’un réajustement du côté ontarien. « On accepte néanmoins la décision de la Régie, et on reconnaît également que dans le contexte actuel, avec les variables COVID, le prix des grains et la guerre en Ukraine, notre outil [la Convention de mise en marché] ne semble pas réagir aussi bien [qu’avant], confie Sylvie Richard, secrétaire générale au CQTV. C’est un gros morceau [la réouverture de la Convention], mais il faut que ça soit fait, car on veut amener d’autres éléments », dit-elle. 


Prolongation du réajustement temporaire du prix

La Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec a accordé aux Éleveurs de volailles du Québec une prolongation du réajustement du prix du dindonneau femelle de manière rétroactive entre le 27 mars et le 1er octobre prochain. Et ce, « afin de ne pas créer de rupture dans l’ajustement de la formule de prix dans un contexte où la même situation économique défavorable aux producteurs perdure », précise-t-elle dans sa décision rendue le 10 juin. Rappelons que les EVQ avaient déjà obtenu gain de cause après une demande d’arbitrage sur le même enjeu en janvier dernier. La correction de prix, qui venait à échéance en mars, a donc été prolongée jusqu’en octobre prochain. Le prix des femelles légères et des femelles lourdes sera donc corrigé rétroactivement, soit à partir de la semaine débutant le 4 avril, et ainsi redressé respectivement de 5,5 ¢/kg et 2,5 ¢/kg. La Régie a par ailleurs rappelé le caractère « ponctuel et temporaire » de cette correction, en invitant les deux parties à trouver des solutions permanentes.