Vie rurale 20 juillet 2021

L’approche mère-filles au service de l’agriculture biologique

Il est parfois reproché à la recherche agronomique de générer des résultats peu représentatifs ou utiles dans le contexte d’une production commerciale.

En effet, bien que requise, l’approche classique d’expérimentation en station de recherche se base sur un contrôle et une homogénéisation des conditions expérimentales. Ces conditions sont d’autant plus contraignantes en agriculture biologique, où l’environnement, les sols et la biodiversité jouent un rôle important sur plusieurs mécanismes (fertilité, gestion des mauvaises herbes, phytoprotection, etc.).

Le design expérimental dit « mère-filles » (traduction libre du terme anglais mother baby trial) permet de remédier à cette situation. Il combine un essai plus complexe en centre de recherche (« mère ») à des essais simplifiés menés en entreprises (« filles »). C’est cette approche participative que préconise le Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CETAB+), entre autres pour l’évaluation et la sélection variétale. L’approche mère-filles favorise la complémentarité entre les essais en station de recherche et les essais en entreprises et vise à réduire les faiblesses de chacun lorsqu’ils sont réalisés individuellement. Les expérimentations en station de recherche permettent de tester des hypothèses complexes, mais dans un contexte donné, ce qui limite la transférabilité des résultats à d’autres contextes.

Les essais en entreprise permettent quant à eux de réaliser des protocoles dont la complexité est limitée, mais dans des contextes agronomiques et environnementaux variés et dans le cadre de pratiques agricoles effectuées avec les équipements et la main-d’œuvre des entreprises. Les essais filles permettent également d’obtenir les avis des producteurs avant leur mise en place et de documenter leurs choix par rapport aux cultures, pratiques et technologies expérimentées. Ils facilitent grandement le transfert et l’adoption rapide en entreprise des résultats tout en fournissant aux chercheurs une rétroaction du milieu leur permettant d’adapter les objectifs et l’approche de recherche aux réalités du terrain.

Deux réseaux d’essais

L’équipe de recherche en production maraîchère bio du CETAB+ a mis sur pied un réseau d’essais variétaux participatif en maraîchage en partenariat avec Sème l’avenir, la Coopérative pour l’agriculture de proximité écologique et le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Le réseau, en place depuis trois ans, a mené des essais variétaux dans la carotte de conservation, le melon d’eau et l’épinard sous abri, en utilisant l’approche mère-filles. Ce sont plus d’une vingtaine de producteurs, répartis à travers le Québec, qui ont participé aux essais depuis le début de ce projet financé par ­l’entremise du Fonds d’innovation sociale destiné aux collèges et aux communautés, administré par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.

L’équipe de recherche en grandes cultures bio du CETAB+ a pour sa part mis sur pied un réseau d’essais participatif conjointement avec une équipe du Centre de recherche sur les grains (CÉROM) et en partenariat avec la Coop Agrobio. Ce projet est financé par l’entremise du Programme Innov’Action agroalimentaire 2018-2023 – Volet 1, Recherche et développement – administré par le MAPAQ. Le réseau a été mis en place l’année dernière et vise à évaluer pendant trois saisons de culture la ­performance de différents hybrides de maïs-grain en mode biologique. Les deux centres disposent chacun d’un site mère dans des zones climatiques distinctes et de trois sites filles rattachés à chacun des centres.

Les sites en entreprise de ces deux réseaux d’essais présentent des conditions et des contextes de production différents de ceux des sites mères, ce qui accroît la robustesse de l’ensemble des données de recherche. Ainsi, le CETAB+ et ses partenaires sont convaincus que non seulement l’approche mère-filles rapproche les chercheurs et les producteurs, mais qu’elle représente également un gain évident pour la recherche agronomique.

CHARLOTTE GIARD LALIBERTÉ, agr., M. Sc.
JULIE ANNE WILKINSON, agr., M. Sc.
Chargées de projet en recherche au Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité du Cégep de Victoriaville.