Économie 28 juin 2021

Connaître le coût de production de ses fourrages

Connaître son coût réel de production des fourrages n’est pas chose facile. Peu de conseillers et de producteurs prennent le temps de s’arrêter pour analyser celui-ci.

Le manque de temps et la complexité de l’opération ont d’ailleurs été évoqués comme raisons lorsque la question a été posée aux producteurs par Karen Bergeron, conseillère stratégique chez Lactanet, et Gaétan Goudreau, copropriétaire de la Ferme Degau, à Neuville, lors du Colloque sur les plantes fourragères en février 2020. Malgré tout, certains producteurs y arrivent. Comment y parviennent-ils et pourquoi y consacrent-ils du temps?   

L’alimentation du troupeau représente 45 % des dépenses dans une ferme laitière et à eux seuls, les fourrages comptent pour 51 % des coûts, selon la base de données d’Agritel en 2018.
L’alimentation du troupeau représente 45 % des dépenses dans une ferme laitière et à eux seuls, les fourrages comptent pour 51 % des coûts, selon la base de données d’Agritel en 2018.

Un coût méconnu
Selon la base de données d’Agritel, on peut estimer qu’environ 16 % des producteurs connaissent leur coût de production des fourrages. Quand on sait que l’alimentation du troupeau représente 45 % des dépenses dans une ferme laitière et qu’à eux seuls, les fourrages comptent pour 51 % des coûts, on peut se demander, en tant que chef d’entreprise, si on passe à côté de quelque chose d’important.

Combien ça coûte?
On observe une grande variabilité du coût de production des fourrages entre les fermes. La moyenne varie de 168 à 384 $/t de matières sèches (MS) entre les meilleurs et les pires coûts pour l’ensilage d’herbe et de foin. Un écart est également observé en ce qui concerne le coût de production de l’ensilage de maïs, mais un peu moindre, allant de 142 à 272 $/t MS. Cet écart s’explique en partie par un rendement plus élevé chez le groupe de tête et un coût de machinerie plus faible à l’hectare.

Quel est l’effet sur la marge de l’entreprise? 
Prenons l’exemple d’une ferme de 74 vaches avec une alimentation basée à 35 % d’ensilage de maïs. Si le coût de production des fourrages se situe parmi les 20 % meilleurs (par rapport à la moyenne), l’entreprise bénéficiera d’une marge nette supérieure de 44 372 $ (avant les charges fixes des bâtiments et équipements). À l’inverse, si le coût de production des fourrages se situe à la hauteur du 20 % des fermes dont le coût est le plus élevé, la marge accusera un recul de 66 817 $ par rapport à la moyenne.

Les entreprises dont les coûts de production des fourrages se trouvent dans les 20 % meilleurs obtiennent en moyenne des rendements supérieurs. Ainsi, pour le même troupeau de 74 vaches, on peut économiser 12 ha de superficie pour la production d’ensilage d’herbe et d’ensilage de maïs et la consacrer à une autre culture.

Première étape : calculer son rendement au champ 
Actuellement, peu de producteurs connaissent leurs rendements en plantes fourragères. Contrairement aux cultures commerciales qui sont vendues, donc pesées, la majorité de la production de fourrages est utilisée directement à la ferme. Il n’y a donc pas de pesée systématique des quantités récoltées.

Pour connaître son rendement, il suffit de noter le nombre de balles ou le nombre de boîtes récoltées par champ à chaque chantier de récolte. Si le producteur n’a pas accès à une balance pour peser ses balles ou ses boîtes d’ensilage, il peut facilement estimer leur contenu en kilogrammes de matières sèches selon le format des balles et la taille des boîtes d’ensilage. Des chiffriers sont disponibles chez Lactanet afin de vous faciliter la tâche. Sans les données de rendement, le calcul du coût de production des fourrages est impossible. C’est donc par ici qu’il faut commencer!

Compter ce qu’on récolte
D’aussi loin qu’il se souvienne, Gaétan Gaudreau, copropriétaire de la Ferme Degau à Neuville, a toujours calculé ses rendements en fourrages. Pour lui et son partenaire, ce n’est pas compliqué, c’est simplement une question d’habitude. Leur secret? Ils comptent le nombre de boîtes d’ensilage et le nombre de balles récoltées à chaque chantier pour chacun de leurs champs. Ils inscrivent au fur et à mesure les quantités récoltées dans un calepin ou dans leur téléphone.

Lors de la récolte de l’ensilage d’herbe et de l’ensilage de maïs, ils sont deux à noter les boîtes, soit l’ouvrier qui les transporte et l’opérateur de la fourragère. Le poids de chacune des boîtes est estimé à l’aide d’un chiffrier. Pour la récolte des petites balles et des grosses balles carrées, c’est l’opérateur de la presse qui note les quantités récoltées. À l’aide de leur balance, ils pèsent de cinq à six grosses balles par lot.

Certains producteurs ne voient pas d’intérêt à connaître leur coût de production, ne concevant pas comment ils pourraient faire mieux. « Je suis à la merci de la nature; je n’ai pas le contrôle », diront-ils. Si les rendements sont décevants, des conseillers en production végétale peuvent aider les producteurs à y voir plus clair. Avec un rendement plus élevé, les chances d’afficher un coût de production intéressant augmenteront. Pour Gaétan Gaudreau, le fait de connaître ses coûts réels lui procure plus de contrôle sur son entreprise et lui permet de se situer par rapport aux autres producteurs. Ainsi, il peut mettre ses efforts aux bons endroits et placer ses priorités dans le bon ordre.

L’importance de calculer son rendement
Les données de rendement sont essentielles au calcul du coût de production des fourrages, et celui-ci a un impact réel et important sur la rentabilité des entreprises laitières. Ainsi, le temps et les efforts consacrés pour l’obtenir en valent vraiment la peine. La prochaine saison de récolte est l’occasion de changer vos habitudes en vous donnant le défi de noter les quantités récoltées afin de calculer vos rendements

Karen Bergeron, M. Sc., agr.,Conseillère stratégique, Lactanet