Vie rurale 19 juin 2021

Le projet Elec-Truck d’une coopérative maraîchère

Si le véhicule électrique se démocratise, il demeure difficile de trouver une fourgonnette qui le soit pour faire des livraisons. N’ayant pas envie d’attendre que l’industrie sorte un modèle à leur goût, les sept membres travailleurs de la Ferme Coopérative Tournesol ont décidé de convertir un camion à l’électricité avec l’aide d’une entreprise spécialisée.

Depuis son démarrage en 2005, la coopérative maraîchère située à Les Cèdres en Montérégie s’est donné comme mission de réduire son empreinte carbone. Plusieurs de ses équipements fonctionnent maintenant avec des batteries électriques : deux motoculteurs, un véhicule utilitaire et même un tracteur.

Mais, selon Reid Allaway, membre fondateur de la coopérative qui produit des légumes biologiques pour 740 familles et des semences pour des milliers de jardiniers, ce n’était pas assez. « La réduction d’émissions avec la conversion de ces outils a des impacts minimes. Par exemple, un motoculteur ne consommera sur notre ferme que 20 litres d’essence par année. Ces modifications sont surtout intéressantes pour des questions de sécurité, d’ergonomie et d’agrément », mentionne celui qui adore passer du temps dans son garage pour bricoler.

Reid Allaway, dans une serre de la Coopérative Tournesol, à Les Cèdres.
Reid Allaway, dans une serre de la Coopérative Tournesol, à Les Cèdres.

Afin de réduire significativement les émissions, il fallait maintenant s’attaquer à la plus grande source de gaz à effet de serre de la ferme : le camion de livraison qui parcourt 10 000 km chaque année. « Nous avons le tracteur électrique, mais aussi trois tracteurs consommant environ 800 litres de diesel par année; 1 500 litres de mazout servent à chauffer une serre pour la production de transplants, mais, pour ce qui est du camion, il consomme à lui seul 3 000 litres de diesel », souligne M. Allaway

Pour ce faire, la coopérative a approché une entreprise de Varennes, Ecotuned Automobile, qui a développé un système de conversion électrique pour les Ford de série E et F. La procédure consiste à remplacer le groupe motopropulseur (moteur et transmission) par un nouveau qui sera alimenté par deux batteries électriques.

Sociofinancement

Un montage financier a été préparé par Frédéric Thériault, associé de M. Allaway dans la coopérative. « Il fallait, de toute façon, acheter un nouveau camion, car celui que nous avons tombe en ruine », mentionne l’agriculteur.

C’est donc en comparant l’achat d’un Mercedes Sprinter à un coût de 45 000 $ et le montant de la conversion par Ecotuned que les membres ont pris leur décision. Il a entre autres été calculé qu’en 20 ans, le moteur d’Ecotuned pourrait être utilisé dans trois camions, amortissant ainsi le coût initial. En effet, la compagnie garantit que la durée de vie du moteur électrique est d’un million de kilomètres. Celui-ci pourra ainsi être transféré dans un nouveau véhicule après la mise au rencart du précédent. Économiser sur l’achat d’un véhicule neuf, ne pas encourager la production de nouveaux véhicules, réduire la mise à la ferraille, tout en éliminant la combustion de carburant a fait pencher la balance en faveur de la conversion électrique.

Sarcleur électrique de la Coop Tournesol. Photos : David Riendeau
Sarcleur électrique de la Coop Tournesol. Photos : David Riendeau

Malgré un remboursement de 50 % du coût de la conversion par le ministère des Transports, l’achat d’un camion, même usagé, et sa conversion représentaient quand même un montant dissuasif. C’est pour cette raison que les membres ont décidé de faire une campagne de sociofinancement sur la plateforme GoGetFunding pour amasser un montant de 20 000 $. Cet objectif faisait en sorte que le projet Elec-Truck ne serait pas plus coûteux que l’achat d’un Mercedes Sprinter neuf.

La campagne a été un succès. En effet, 23 425 $ ont été amassés en 10 jours grâce à 238 donateurs. Parmi eux, plusieurs étaient des abonnés aux paniers de légumes de la ferme ainsi que des consœurs et confrères maraîchers. « Des gens qui auraient bien eu besoin d’argent pour leur propre ferme, mais qui sont fiers de contribuer à ce que nous puissions faire les cobayes dans cette expérience », mentionne Reid Allaway.

D’ici juillet, la Ferme Coopérative Tournesol pourra donc livrer ses paniers de légumes dans un tout nouveau camion silencieux, sans traînée de fumée noire.

Mylaine Massicotte, collaboration spéciale


Cet article a été publié dans notre cahier spécial Fruits et légumes du Québec, printemps 2021.