Actualités 26 juin 2021

Pas encore de solution alternative au chlorpyrifos pour le rutabaga

L’Agence de réglementation de lutte antiparasitaire (ARLA) a confirmé en décembre 2020 que l’utilisation du chlorpyrifos en milieu agricole sera interdite d’ici quelques années, en raison du risque que représente l’insecticide pour l’environnement. Cette décision inquiète particulièrement les producteurs de rutabagas pour qui il n’existe pas encore de solution de rechange afin de lutter contre la mouche du chou, un ravageur destructeur pour leur culture.

Le chlorpyrifos est actuellement utilisé pour combattre la mouche du chou, un ravageur particulièrement destructeur pour les cultures de rutabagas. Photo : Gracieuseté du MAPAQ
Le chlorpyrifos est actuellement utilisé pour combattre la mouche du chou, un ravageur particulièrement destructeur pour les cultures de rutabagas. Photo : Gracieuseté du MAPAQ

« Ça fait des années que des essais avec différentes techniques et produits sont faits pour trouver une solution de remplacement, mais on n’a jamais réussi. On est dans le néant », témoigne Dominique Thérien, qui cultive 121 hectares de ce légume à Saint-Sulpice dans Lanaudière. « C’est certain que c’est inquiétant pour moi; je suis l’un des plus gros producteurs de rutabagas au Québec. Ça représente 60 % de mon chiffre d’affaires », ajoute celui qui n’écarte pas la possibilité d’ultimement réduire la production pour se concentrer sur d’autres légumes, si le problème persiste. « On va se donner du temps et on va voir. Évidemment, je suis pour la réduction des pesticides, mais il va falloir trouver des façons efficaces de contrôler la mouche du chou sans chlorpyrifos », indique-t-il, soulignant à titre d’exemple que l’omission d’un traitement actuellement peut entraîner des pertes de l’ordre de 75 %. « En fait, le légume est encore bon; c’est juste qu’il y a des tunnels dedans et les consommateurs achètent avec leurs yeux. Il faudrait aussi faire de la sensibilisation auprès des consommateurs pour qu’ils achètent les légumes moins beaux, mais sans insecticides », croit-il.

Joël Cousineau, producteur à Saint-Roch-de-l’Achigan dans cette même région, donne un son de cloche semblable. « Au moins, on a encore le temps d’y penser un peu. C’est encore loin; il peut se passer des choses », indique celui qui cultive environ 24 hectares de rutabagas par année et plusieurs autres légumes.

Un ravageur qui s’attaque aux racines

Élisabeth Fortier, agronome au ministère de l’Agriculture (MAPAQ), explique que la mouche du chou est un ravageur dont les larves s’attaquent aux racines et creusent des tunnels dans les légumes tels que le rutabaga. Des produits de remplacement au chlorpyrifos existent, mais une seule application en début de saison est permise. Or, dans le cas du rutabaga, un traitement doit être appliqué plusieurs fois durant l’été pour lutter efficacement contre le ravageur. « Pour les cultures de légumes crucifères à feuilles et à fleurs, telles que le chou, le chou-fleur et le brocoli, le produit de remplacement en début de saison suffit contre la mouche du chou. Mais pas pour le rutabaga, parce que dans cette culture, le ravageur fait des dommages toute la saison. Il faudra donc, après l’application du produit de remplacement, trouver d’autres moyens de contrôle pour le reste de l’été », souligne l’agronome.

Des solutions en évolution

Bien qu’Élisabeth Fortier juge la situation « préoccupante » pour les producteurs de rutabagas, elle précise que des efforts de recherche sont déployés pour trouver des alternatives, par exemple à l’aide de filets. On explore également la possibilité « d’inonder » les champs de mouches stériles du chou mâles qui s’accoupleraient avec les femelles sans possibilité de reproduction. En effet, ce sont les larves qui sont dévastatrices.

« Il y a des techniques alternatives en évolution qui, on l’espère, pourront être déployées à temps », indique l’agronome, qui suggère aux producteurs de rutabagas de « rester à l’affût ». 


Cet article a été publié dans notre cahier spécial Fruits et légumes du Québec, printemps 2021.