Économie 9 février 2021

Agropur fait le point sur sa situation financière

La vente récente à Lactalis de la division yogourt d’Agropur est au cœur des discussions de producteurs laitiers membres de la coopérative. Certains s’inquiètent de la situation financière de l’organisation et jugent que le conseil d’administration a pris des risques ces dernières années en choisissant d’investir massivement dans divers projets d’expansion et d’acquisition.

Le président d’Agropur, Roger Massicotte, a accordé une entrevue à La Terre, quelques jours avant l’assemblée générale annuelle de la coopérative. Photo : Gracieuseté d’Agropur
Le président d’Agropur, Roger Massicotte, a accordé une entrevue à La Terre, quelques jours avant l’assemblée générale annuelle de la coopérative. Photo : Gracieuseté d’Agropur

À la veille de l’assemblée générale annuelle d’Agropur, qui se tient le 10 février, le président Roger Massicotte a accepté de faire le point sur la question dans une entrevue avec La Terre.

« Nous sommes en très bonne situation financière », assure le président d’Agropur, Roger Massicotte. La décision en décembre de se départir de la marque IÖGO, aux mains de Lactalis, découle d’un choix stratégique, dit-il.

Le producteur laitier Sylvain Fraser, de Saint-Adelphe en Mauricie, qui est membre d’Agropur depuis les années 1990, estime néanmoins que la division yogourt de la coopérative aurait peut-être été conservée n’eût été le niveau d’endettement actuel de l’organisation. « Je ne suis pas prêt à dire
ça », répond le président du tac au tac lorsque questionné sur le sujet. « Notre business, c’est à 80 % dans le fromage, le beurre et les ingrédients », rappelle-t-il, estimant qu’il était temps, considérant le contexte actuel, de vendre la marque IÖGO pendant qu’elle avait de la valeur afin de capitaliser et « de réinvestir dans d’autres domaines où l’on est [encore plus] performants ».

Il y a dix ans, analyse-t-il, le marché du yogourt au Canada était en croissance d’environ 10 % par année, alors que maintenant, celui-ci serait plutôt en décroissance, car la compétition y est féroce.

Des investissements risqués?

Michel Magnan, professeur titulaire de la Chaire de gouvernance d’entreprise Stephen A. Jarislowsky, à l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia, souligne que le rendement de l’avoir d’Agropur « n’est pas très élevé » considérant les risques qu’a pris l’organisation en investissant de façon importante ces dernières années, notamment pour des projets d’expansion aux États-Unis et aussi pour la construction d’un nouveau siège social.

« Le ratio est d’environ 3 % », calcule-t-il, après avoir consulté un résumé des états financiers de la coopérative pour l’année 2020. « Si je fais le calcul pour Saputo, le rendement est plutôt de 12 % », fait-il valoir à titre comparatif. L’expert affirme néanmoins que les opérations d’Agropur sont rentables, puisque la coop dégage un excédent, mais que les marges « pourraient être améliorées ».

Le président, Roger Massicotte, reconnaît de son côté que le niveau d’endettement de la coopérative est « très élevé ». Dans cette optique, la stratégie de l’organisation a été revue pour l’année 2020. Agropur a notamment travaillé à réduire sa dette de 1,4 G$ à 1,1 G$, lors du dernier exercice financier, et à « simplifier » ses opérations. Le président souligne par ailleurs que le chiffre d’affaires de l’organisation a encore progressé en 2020, par rapport à 2019, passant de 7,2 G$ à 7,7 G$.

« Quand je regarde l’excédent opérationnel de 179 M$ et l’excédent net de 38 M$, je vois une entreprise plutôt en bonne situation financière, bien qu’elle soit endettée », analyse pour sa part Maurice Doyon, professeur au département d’économie agroalimentaire de l’Université Laval.

« Pas très coop »

Pour le futur, Agropur se donne pour objectif de poursuivre sa croissance, notamment aux États-Unis, mais aussi au Canada. « Espérons que les investissements se font dans l’intérêt des membres », réagit Michel Magnan, professeur titulaire de la Chaire de gouvernance d’entreprise Stephen A. Jarislowsky, à l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia. Selon lui, la direction que prend l’organisation « ne fait pas très coop » et tend plutôt vers la « corporatisation ».    

« Le modèle coop n’est pas un modèle à part, répond le président d’Agropur, Roger Massicotte. C’est un modèle qui vit dans un monde capitaliste. » Selon lui, le modèle coopératif n’a pas le choix de « suivre la compétition » et de « suivre la croissance normale de l’économie ».