Élevage 16 décembre 2020

Bien-être animal : l’échéance pourrait être reportée de cinq ans

Les éleveurs de porcs pourraient avoir cinq ans de plus que prévu pour se conformer aux exigences du programme de bien-être animal.

De nouvelles recommandations émises par un groupe d’experts dans le rapport d’examen publié par le Conseil canadien du porc suggèrent de reporter l’échéance du 1er juillet 2024 au 1er juillet 2029.

Cette recommandation est entre autres expliquée par la difficulté pour les éleveurs d’obtenir le financement nécessaire à la transition vers le logement en groupe, comme l’exigent les nouvelles normes. De plus, il y aurait une pénurie de travailleurs expérimentés dans ce type de construction, puisque l’industrie laitière et celle de la volaille sont aussi à rénover des bâtiments, note le rapport.

Malgré tout, le Conseil canadien du porc estime que 60 % des éleveurs auront réussi à adapter leurs enclos pour l’élevage des truies en groupe d’ici le juillet 2024. Une décision devrait être prise d’ici deux mois.

Les travaux ne sont pas commencés partout

Les installations porcines de la famille de Myriam Falcon, de Saint-Ignace-de-Stanbridge, étaient déjà conformes aux normes de bien-être animal. Photo : Gracieuseté de Myriam Falcon
Les installations porcines de la famille de Myriam Falcon, de Saint-Ignace-de-Stanbridge, étaient déjà conformes aux normes de bien-être animal. Photo : Gracieuseté de Myriam Falcon

À trois ans et demi de l’échéance du 1er juillet 2024 pour adapter les installations porcines aux nouvelles normes de bien-être animal (BEA), La Terre a sondé quelques éleveurs de la Montérégie sur l’avancement de leurs travaux.

Julien Gauvin, propriétaire d’une porcherie de 1 200 places à Saint-Denis-sur-Richelieu,  est parvenu à réaliser 80 % des exigences demandées et a bon espoir de compléter les 20 % qui manquent d’ici les trois prochaines années. Il avoue que le document du programme BEA de 70 pages l’a d’abord sonné. « Mais en les regardant [les exigences] petit à petit, on réalise que ça s’intègre bien au travail », nuance celui qui reconnaît la pertinence d’un tel code. « Ça nous permet d’avoir une ligne directrice sur les bonnes choses à faire, et de faire en sorte d’être fiers du porc que l’on produit. »

Au passage de La Terre, il était d’ailleurs heureux de nous montrer les nombreux ajustements réalisés au cours des dernières années. Parmi ceux-ci, des enclos plus grands, l’ajout d’un deuxième abreuvoir et un  jouet comme mesure d’enrichissement qui a « permis de faire baisser le stress des animaux et de réduire les batailles », souligne-t-il.

Il estime avoir jusqu’ici investi 325 000 $ dans ses installations sans subvention, puisque le programme n’avait pas encore été mis en place lorsqu’il a rénové l’un de ses deux bâtiments.

Des coûts importants

De son côté, Jimmy Martin, qui possède une ferme d’engraissement et une maternité porcine à Saint-Césaire, n’a pas encore commencé à convertir ses installations selon les nouvelles normes, principalement pour des raisons financières. « On n’aura pas le choix de s’y conformer et on va encore s’endetter, parce que les subventions disponibles sont minimes », juge-t-il, ajoutant que ses installations rénovées en 2000 et toujours bien entretenues sont, selon lui, encore en très bon état et fonctionnelles. « On nous impose de placer les truies en groupe, mais elles sont beaucoup mieux dans une cage individuelle puisqu’elles ne se font pas piétiner », estime-t-il.

Pour la productrice Myriam Falcon, qui gère avec son frère et son père une pouponnière de 7 200 places située à Saint-Ignace-de-Stanbridge, ces nouvelles normes de bien-être animal s’inscrivent dans un ordre normal d’évolution de l’industrie. « Ça part du consommateur. Il faut se réadapter à ses demandes et pour nous, les millénariaux et les générations qui suivent, l’avenir rime avec des pratiques plus respectueuses quant au bien-être animal », dit-elle.

Leurs installations étant déjà conformes aux normes de bien-être animal, il ne leur reste qu’une mesure d’enrichissement à ajouter.

L’éleveuse reconnaît qu’il peut y avoir une différence de point de vue entre les générations sur cette question. « Mon père, par exemple, n’est pas très enclin à ajouter un jouet comme mesure supplémentaire d’enrichissement dans la maternité, qui est par ailleurs déjà organisée pour que les porcelets soient en groupe. Je crois qu’il va plutôt opter pour une radio, car ce sera moins compliqué d’entretien », illustre la productrice de 26 ans. 

Porcs en attente et rénovations ne font pas bon ménage

Selon le producteur Julien Gauvin, le nombre important de porcs en attente qui touche l’ensemble des porcheries risque de retarder les projets de rénovation de plusieurs confrères. « Quand j’ai fait mes rénovations il y a quelques années, j’ai pu placer les porcs dans une section inutilisée de la porcherie pour faire les travaux, mais aujourd’hui, avec les porcs de plus  en plus gros qui s’accumulent dans tous les coins et dans tous les bâtiments disponibles, ce serait impossible de pouvoir faire la même chose », souligne-t-il.