Actualités 12 mai 2020

Quand les plantes contre-attaquent

« Les gens disent que les plantes sont immobiles et ne peuvent donc pas fuir le danger, constate Jacqueline Bede. C’est vrai et, pour cette raison, elles doivent être attentives à tous les signaux provenant de leur environnement. C’est fascinant de voir qu’elles parviennent à réagir de la bonne façon à toutes sortes de situations. »

Jacqueline Bede est chercheuse à l’Université McGill. « Je travaille sur les interactions entre les plantes et les insectes, en particulier sur les stratégies des plantes pour se défendre contre les attaques des chenilles », explique-t-elle.

Pour répondre aux agressions des insectes, les plantes produisent différents composés chimiques. Ces composés peuvent avoir des effets variés. Par exemple, certains sont carrément toxiques pour l’insecte alors que d’autres peuvent attirer ses ennemis naturels, comme les guêpes parasitoïdes.

« Depuis quelque temps, nous nous intéressons plus spécifiquement aux répercussions des changements climatiques sur la capacité des plantes à se défendre », ajoute Mme Bede. Depuis quelques décennies, les niveaux de CO2 atmosphérique sont en hausse. Cela peut être avantageux pour certaines plantes de type C3 (par exemple, le soya et le blé) puisqu’une concentration élevée de CO2 dans l’air augmente l’efficacité de la ­photosynthèse pour ces plantes, ce qui favorise leur croissance.

« Cependant, nous avons observé que certains mécanismes de défense des plantes ne sont plus aussi performants lorsque le niveau de CO2 augmente, notamment contre les attaques de chenilles, explique la chercheuse. Nous avons par ailleurs observé que la quantité de fertilisants à base d’azote pouvait amplifier cet effet. »

En raison des changements climatiques, les producteurs pourraient donc remarquer que leurs plantes ne réagissent plus de la même façon aux invasions d’insectes. Il pourrait alors être nécessaire de modifier certaines pratiques agricoles. La communauté scientifique tente donc de mieux comprendre le phénomène. « Nous pourrons alors offrir des informations aux producteurs afin de minimiser les effets négatifs », souligne Mme Bede. 

La réaction des insectes

L’équipe de Jacqueline Bede étudie aussi la façon dont certains insectes réussissent à contourner les mécanismes de défense des plantes. C’est le cas de la noctuelle de la betterave, un papillon de nuit dont la chenille ravage les champs. « Certaines chenilles produisent des molécules qui court-circuitent les processus de défense de la plante », mentionne-t-elle.

Enfin, la chercheuse s’intéresse au rôle que la plante peut jouer pour optimiser l’utilisation de certains pesticides. « Lorsqu’on applique un pesticide, certains insectes produisent une enzyme leur permettant de le neutraliser, explique-t-elle. Nous voulons étudier comment certaines plantes synthétisent des composés empêchant ces enzymes de fonctionner. » 

La différenciation des insectes

La plante doit faire la différence entre un insecte ennemi qui ravage les champs et un insecte allié qui joue un rôle dans la pollinisation. Ce sont les morsures des insectes qui servent généralement de signal d’alarme. La plante peut même différencier les ravageurs selon le type de dommage qu’ils lui infligent et selon la composition de leur salive.

Kathleen Couillard, Agence Science-Presse