Politique 5 septembre 2014

Vivement les achats locaux

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Tel que publié dans La Terre de chez nous

SAINT-SIXTE — Militaires à la retraite, Maggie Paradis et Christian Girard rêvaient d’un coin tranquille à la campagne.

Avec l’intention de profiter pleinement de la vie, ils acquièrent en 1996 une petite ferme d’une centaine d’acres avec une maison, un poulailler, dix coqs et une poule. Ils rigolent encore de leur premier réveil à quatre heures du matin!

Le couple s’est laissé prendre au jeu. Il possède aujourd’hui un troupeau de 150 brebis laitières et transforme à la ferme tout son lait en fromage, dont La Petite Folie, lauréat d’un prix Caseus l’an dernier. Les producteurs sont en train de construire une nouvelle bergerie froide – un investissement d’environ 100 000 $ – qui viendra pallier la pénurie de main-d’œuvre. Une structure d’acier leur permettra d’installer un pont roulant muni d’un grappin hydraulique pour manipuler les 7 000 balles de fourrage nécessaires à l’alimentation du troupeau.

Étiquette locale

De 2006 à 2008, le couple a connu une forte croissance, mais la crise de la listériose le met devant un choix : cesser les activités, convertir la production en viande ou transformer son lait. Christian reprend alors son marteau et construit une fromagerie, Les Folies Bergères.

Auparavant, les producteurs auront pris soin d’effectuer des tests de marché en confiant la fabrication de leurs fromages à une autre fromagerie. Ils proposent aujourd’hui cinq fromages de brebis, six de chèvre et un cheddar en grains ou en bloc, La Fraîche de St-Sixte. Les fromages sont écoulés dans une cinquantaine de points de vente dans la Petite-Nation, en Outaouais, à Gatineau et à Ottawa.

« On est très différents parce qu’on est très locaux, se félicite Maggie. Si je ne suis pas satisfaite, mes produits ne sortent pas d’ici. C’est notre assurance qualité. »

« C’est pour ça que nous gardons des cochons, reprend Christian. Avec le cheddar non vendu, je leur fais faire ce que je veux. J’en élève de 30 à 40 par année. Cela me permet de passer tout le lactosérum des 20 000 litres de lait traités. »

La Petite-Nation

Membres de la coopérative du marché public de la Petite-Nation à Ripon, nos producteurs s’émerveillent du foisonnement d’idées en Outaouais. Particulièrement fiers de leur étiquette « locale », ils notent avec plaisir l’émergence de nouveaux producteurs en région : trois vignobles, un verger, trois fromageries, des bisons, des sangliers. Ils soulignent aussi l’initiative d’Alain Bouffard, des Fruits de la terre, qui cultive ses plants de fraises sur pilotis pour ne pas avoir à se pencher.

« L’éclosion d’idées en Outaouais est formidable, et il y a plein de choses qui se brassent », se réjouit Maggie. À titre d’exemple, elle cite la création du Festival de la fibre de Saint-André-Avellin par Amélie Blanchard.

Politique d’achat local

À 53 et 50 ans, Christian et Maggie aimeraient bien se retirer dans une dizaine d’années, c’est-à-dire « faire ce qu’on veut ». Ils constatent que la moyenne d’âge des producteurs de la région dépasse facilement les 50 ans. Aujourd’hui, jugent-ils, ceux-ci n’ont d’autre choix que de s’adapter et de réviser leur plan en fonction d’une situation en constante évolution. Pas vrai que les jeunes vont accepter le même mode de vie, pensent-ils.

Christian Girard croit que le Québec doit se doter rapidement d’une politique d’achat local cohérente. Même s’il ne vend qu’au détail, il craint déjà les effets de la politique que s’apprête à adopter la province voisine de l’Ontario. En fonction de celle-ci, les grands distributeurs devront s’approvisionner auprès des producteurs locaux pour fournir les institutions publiques. Situé à 67 km de la colline parlementaire, il écoule la moitié de sa production à Ottawa.

« Les hôpitaux du Québec devraient aussi s’approvisionner auprès des producteurs locaux », s’enflamme Maggie, mettant le poing sur la table. Ardent défenseur de l’entreprise privée, elle croit néanmoins que Québec devrait obliger les institutions publiques (hôpitaux, écoles, prisons et autres) à consommer des produits locaux. Bien consciente que l’agneau ne fera pas partie du menu, elle croit qu’il y a suffisamment de producteurs de pommes de terre, de lait, de viande de porc ou de bœuf pour alimenter cette clientèle.

« Je ne veux pas entendre qu’il n’y en a pas assez, insiste-t-elle. Il y en a, de la patate, au Québec. Mais à 7 cents la livre, ça ne vaut pas la peine de démarrer le tracteur. Si on est vraiment sérieux, on est capables de fournir les institutions. Les distributeurs vont être obligés de venir nous voir. Il ne s’agit pas de nous donner de l’argent, mais la garantie qu’on pourra tirer des revenus pour le travail qu’on fait. Achetons le porc du Québec et il n’y aura plus besoin d’ASRA [assurance stabilisation des revenus agricoles]. »

« Chaque fois que le gouvernement veut changer quelque chose, poursuit-elle, c’est pour nous en donner moins. Leur agri-ci, agri-ça, je ne perds plus mon temps avec cela. »

Maggie Paradis n’a pas la langue dans sa poche. Elle croit qu’Aliments du Québec, « qui vient d’en haut », devrait ainsi s’inspirer avantageusement du pendant ontarien, Ontario terre nourricière (Foodland Ontario). Elle fredonne facilement la petite ritournelle publicitaire « Good things grow in Ontario ».

« C’est très accrocheur, dit-elle. La pêche a été le premier produit visé. On se met en ligne aujourd’hui pour les acheter. Foodland Ontario, c’est fort simple : ça vient de chez nous, et on va l’acheter. Je ne suis pas certaine qu’Aliments du Québec touche autant le public et qu’on connaît bien ses valeurs. »
www.lafromagerielesfoliesbergeres.ca

Ce qu’ils ont dit

« Je suis devenue productrice agricole en 1998. J’ai suivi une formation spéciale en démarrage d’entreprise avec le Cégep de l’Outaouais. La première journée du cours à la ferme Cavalier de Saint-Sixte, on a sauté dans le parc et on a tout de suite fait quelque chose. J’étais déjà accro! » – Maggie Paradis

« Si on n’adopte pas rapidement une politique d’achat local cohérente au Québec, en Ontario, ils vont le faire avant nous. On fait partie de l’organisme « Savourer Ottawa » qui regroupe des producteurs dans un rayon de 100 km. Ils sont très avancés en Ontario. » – Christian Girard

« Notre fromage La Coulée Douce, avec porto ou cidre de glace, c’est ça qu’on aime. Notre lait et nos points de vente sont locaux. Les touristes ont hâte de revenir en Outaouais pour acheter notre fromage. Pour être certaine de ne pas en manquer, une dame nous en achète cinq meules à la fois. »  – Maggie Paradis et Christian Girard

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