Élevage 23 septembre 2014

Inséminer ou comment augmenter ses performances

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Tel que publié dans Bovins du Québec

Les éleveurs québécois tardent à adopter l’insémination artificielle, malgré ses nombreux avantages.

L’insémination artificielle (IA) a fait ses preuves depuis plus d’une cinquantaine d’années : amélioration de la conformation, de la capacité laitière et de la facilité de vêlage des vaches, augmentation du gain de poids et de la musculature des veaux. Pourtant, les éleveurs tardent à adopter cette technologie qui, au bout de compte, accroîtrait leur rentabilité. « Seulement 5 à 10 % des bovins de boucherie sont inséminés artificiellement au Québec. Ce pourcentage varie selon les années et selon les conditions du marché, qui influencent grandement son utilisation », indique Pierre Desranleau, coordonnateur – Bovins de boucherie au Centre d’insémination artificielle du Québec (CIAQ). La faible utilisation de l’IA n’est pas un phénomène uniquement québécois mais plutôt planétaire. Seule la France se démarque légèrement avec un taux d’utilisation de 15 %.

« De nombreux mythes persistent autour de l’IA », affirme Pierre Desranleau. En tête de liste : son coût élevé. Vient ensuite une impression de grande complexité d’application à la ferme. D’autre part, recourir uniquement à la saillie avec un taureau fait en sorte d’étirer indûment la période de vêlage chez de nombreux éleveurs de bovins. Ces vêlages tardifs à répétition coûtent cher, car le faible poids des veaux affecte leur valeur à la vente. C’est sans compter le renouvellement des taureaux et toutes les dépenses liées à leur entretien.

Déceler les signes de chaleur

La période de pointe des saillies se déroule habituellement de mars à mai. Dans ce laps de temps, la détection des chaleurs doit être assidue, et ce, pendant trois semaines consécutives. « Deux moments dans la journée sont plus propices à la détection des chaleurs : le matin avant de soigner les animaux, et le soir, lorsque tout est tranquille », précise Pierre Desranleau. Il faut consacrer au moins une demi-heure soir et matin à l’observation du troupeau. Généralement, ajoute M. Desranleau, « les éleveurs ne se font pas suffisamment confiance pour déceler les signes de chaleur, ils se fient principalement à leur taureau ». L’IA doit se faire au bon moment, c’est pourquoi il faut reconnaître les vrais signes de chaleur. Lorsqu’une vache s’agite, qu’elle tente de monter d’autres vaches, c’est un indice que ses chaleurs commenceront quelques heures plus tard. On reconnaît le début des vraies chaleurs lorsque la vache se laisse monter. On inséminera en après-midi une vache qui accepte la monte le matin alors que celle qui accepte la monte le soir sera inséminée le lendemain matin. L’erreur la plus fréquente est d’inséminer l’animal trop tôt, quand la vache donne des signes avant-coureurs de chaleur.

Synchroniser les chaleurs

L’IA peut se faire en suivant le cycle naturel d’ovulation des vaches, de sorte que la détection des chaleurs et l’insémination se font au jour le jour. Par ailleurs, des protocoles de synchronisation de l’ovulation des vaches permettent d’effectuer les inséminations à temps fixe. Ces protocoles exigent une bonne planification. Par exemple, le nombre d’injections, le type d’hormones (progestérone, prostaglandine) et l’utilisation d’un implant vaginal varieront selon le protocole choisi. Ce choix repose sur le coût, l’âge (taure ou vache), et selon que la vache est cyclique ou acyclique. « L’éleveur qui choisit de synchroniser les chaleurs doit être consciencieux et précis dans l’application du protocole. Il faut aussi compter de bonnes installations, car les vaches seront manipulées de trois à cinq fois », souligne Pierre Desranleau. En stabulation entravée, la synchronisation est plus facile, mais la détection des chaleurs beaucoup moins. En stabulation libre, la détection des chaleurs est facile, mais la manipulation des vaches pour effectuer les injections plus exigeante.

Question de coût

« L’IA coûte plus cher que la saillie naturelle », voilà une affirmation trop souvent véhiculée, selon Pierre Desranleau. Le coût d’une insémination au CIAQ s’élève à près de 40 $, mais une charte de réduction des prix s’applique lorsque le nombre d’inséminations augmente. « Comparativement, on calcule le coût d’utilisation d’un taureau à 35-40 $/vache saillie. Il faut tenir compte en plus des frais vétérinaires, du coût de l’alimentation et du prix d’achat du taureau. Pour un taureau convenable, il faut débourser au moins 3000 $ et le renouveler tous les deux ou trois ans », soutient Pierre Desranleau. À la question de savoir si, avant l’achat, les éleveurs sont allés voir la mère du taureau afin d’apprécier la qualité de son pis, la grosseur de ses trayons, etc., la majorité répondra non. Pourtant, si un taureau saillit 30 vaches et transmet un défaut de la conformation du pis, ce sont 15 génisses qui risquent d’en hériter. Ces génisses représentent une part importante des femelles de remplacement, et les répercussions se feront sentir pendant une décennie. En moyenne, on recommande un ratio d’un taureau pour 20-25 vaches. Et selon l’objectif de production, le choix du taureau ne sera pas le même. On choisira un taureau différent pour une taure de premier veau ou pour une femelle de remplacement, par exemple. Chez la taure, on souhaite un premier vêlage sans heurts ni césarienne. « On veut éviter tout problème au vêlage, car une taure qui vêle sans aide aura par la suite plus rapidement ses chaleurs », précise M. Desranleau.

« Élever de bonnes vaches n’est pas plus coûteux, lance Pierre Desranleau. Le taureau est la pièce maîtresse de l’élevage. Travailler la génétique d’un troupeau de façon simple et ordonnée, c’est payant à la longue. »

On choisit l’insémination artificielle (IA) pour :

• Éviter les problèmes de vêlage chez la taure. Un premier vêlage facile permet à la taure de redevenir en chaleur plus rapidement. On choisit alors un taureau ayant comme particularité une bonne facilité au vêlage.
• Augmenter les revenus. L’IA permet d’obtenir des veaux de meilleure qualité à forte croissance et forte musculature.
• Augmenter la qualité des femelles de remplacement. Comme élever une génisse coûte près de 2000 $, il vaut mieux alors choisir un taureau avec une bonne conformation : pieds et membres, etc. On recherche aussi des vaches de remplacement non agressives et de taille moyenne. Plus une vache est grosse, plus son coût d’entretien est élevé.
• Augmenter la vigueur hybride. Le croisement entre deux races est payant dans le bœuf. Chez les veaux, le croisement accroît la résistance aux maladies, la vigueur, la croissance, les aptitudes laitières, la fertilité et la longévité.