International 26 octobre 2017

Que signifierait la fin de l’ALENA?

Plusieurs industries canadiennes et américaines veulent maintenir l’ALENA, mais bon nombre d’observateurs n’hésitent plus à parler d’échec possible des négociations avec l’accumulation de demandes agressives des négociateurs états-uniens.

Même la ministre Chrystia Freeland a parlé de la nécessité de « se préparer au pire ». Quel serait l’impact d’un tel scénario? La Terre s’est entretenue avec deux experts.

Daniel-Mercier Gouin, expert de la mise en marché agricole et professeur à l’Université Laval, n’avait pas envisagé le scénario de la fin de l’ALENA avant le 16 octobre, mais avec l’accumulation des « demandes irraisonnables », cela lui apparaît maintenant possible, même s’il se peut aussi que ce soit une « stratégie de négociation ».

« Ces demandes [américaines] sont politiquement et économiquement impossibles à accepter », estime Peter Clark, consultant spécialisé en commerce international, qui ajoute qu’il est toutefois encore possible que le président Trump laisse tomber ses demandes de concessions commerciales, un peu comme il l’a fait avec la Chine. Peter Clark croit par ailleurs que le président ne peut pas agir seul pour mettre fin à l’ALENA et qu’il devra obtenir l’appui du Congrès.

Toujours selon le consultant, le représentant américain au commerce aurait mentionné récemment la possibilité d’expédier en même temps un avis de terminaison de six mois pour l’ALENA et pour l’Accord de libre-échange (ALÉ) de 1987. En cas d’annulation de ces deux accords, le Canada aurait quand même accès à une autre entente : celle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Impact du retour à l’OMC

Dans ce scénario, Daniel-Mercier Gouin note un élément positif pour le secteur laitier : l’exemption sur les protéines laitières contenue dans l’ALENA tomberait avec l’accord, ce qui réglerait probablement le problème lié à l’importation sans tarif de lait diafiltré américain. Les tarifs de la gestion de l’offre seraient maintenus, sans accès supplémentaires à notre marché. Peter Clark fait remarquer que certains contingents cédés aux États-Unis dans l’ALENA, notamment pour le poulet, disparaîtraient en même temps que l’entente.

La situation différerait pour les secteurs exportateurs, mais pour y voir clair, le consultant veut analyser toutes les lignes tarifaires américaines à l’OMC. Il cite tout de même le sirop d’érable, dont le tarif serait de 6 % sur le marché américain.

Peter Clark précise aussi que le Canada perdrait l’accès au chapitre 19 du règlement des différends qui a été utile dans le passé pour le porc, le bœuf et le bois d’œuvre. Ce chapitre est d’ailleurs en péril dans la présente renégociation de l’ALENA.

Olymel confiant

« On n’a pas beaucoup d’inquiétude, indique Richard Davies, vice-président aux ventes chez Olymel. On est beaucoup moins dépendants du marché américain. » Ce dernier précise que 30 % de produits exportés par Olymel vont aux États-Unis actuellement, alors que cette proportion était de 70 % il y a 15 ou 20 ans. Il note également que le Canada importe à peu près autant de produits du porc qu’il en exporte. Une perte à l’exportation pourrait donc être absorbée par le marché domestique.

Pas moins de 70 % des exportations agroalimentaires du Québec sont dirigées vers les États-Unis. Elles pourraient atteindre 6,3 G$ en 2017. « Il faudrait trouver un palliatif, un plan B », indique pour sa part André Coutu, président du Groupe Export agroalimentaire. Celui-ci souhaite que les gouvernements consacrent plus de ressources pour promouvoir l’agroalimentaire dans l’Union européenne. Il vise aussi les marchés japonais et chinois.