Politique 5 septembre 2014

L’entrée en scène du ministre Pierre Corbeil

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Le calendrier politique 2011 a été marqué par l’entrée en scène d’un nouveau ministre de l’Agriculture.

C’est en plein mois de février, alors qu’il ventait à écorner les bœufs, que Pierre Corbeil est devenu le sixième titulaire de ce ministère depuis 2003. L’hiver sévissait et le monde agricole était en froid avec le gouvernement.

Pierre Corbeil, dentiste de formation, venait d’obtenir de « son premier ministre », Jean Charest, le mandat de prendre en main le dossier de l’agriculture. Ce qui n’était pas une mince tâche. Jusque-là, il avait été ministre responsable des Affaires autochtones.

Le temps de se préparer

Il a tout de suite donné l’impression qu’on ne lui avait pas laissé le temps de se préparer à faire face à la tempête. Il faut avouer que le climat n’était guère harmonieux dans le monde agricole. De très nombreux producteurs, dans le porc et le bovin, aux prises avec des difficultés financières aiguës, lançaient des appels de détresse au gouvernement pour réclamer plus d’humanisme de la part des hauts dirigeants de La Financière agricole pour traverser la crise dans laquelle ils s’étaient enfoncés contre leur gré. La maison était en feu et les producteurs avaient le sentiment qu’il n’y avait personne en autorité pour demander aux pompiers d’intervenir pour éteindre le brasier…

Haute tension

C’est dans ce contexte de haute tension que le ministre et député d’Abitibi-Est a fait son entrée. Une entrée remarquée mais pas nécessairement remarquable, aux yeux de plusieurs « intervenants » qui s’inquiétaient pour l’avenir de ces producteurs étranglés.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Pierre Corbeil avait un grand panier d’épicerie à remplir pour satisfaire aux demandes des producteurs et des principaux acteurs économiques du milieu agricole. À maintes reprises, l’Union des producteurs agricoles (UPA) est montée au créneau pour faire entendre les voix inquiètes et discordantes des producteurs qu’elle représentait et qu’elle continue de représenter. Les fermes continuaient de disparaître, au rythme d’une fermeture par jour, en moyenne.

Débuts difficiles

On devine bien que le ministre aux origines abitibiennes a connu des débuts difficiles. À sa décharge, il faut convenir qu’il avait de bien grands souliers à chausser et qu’il se devait de marcher dans les pas tracés par ses prédécesseurs. Avant lui, Laurent Lessard avait été nommé ministre de l’Agriculture à deux reprises (avril 2007 et septembre 2010). Yvon Vallières et Claude Béchard ont dû quitter en raison de maladie. À peine entré en fonction, le nouveau sous-ministre, Normand Johnston, a dû aussi s’absenter cette année pour cause de maladie. Chacun avait mis son grain de sel en vue d’un premier cadre politique pour l’agriculture.

Par exemple, Claude Béchard avait promis un « Farm bill » québécois pour regrouper toutes les politiques en matière d’agriculture, Yvon Vallières avait lancé la commission Pronovost et c’est sous le régime de Laurent Lessard qu’avait été déposé le rapport.

Ministère orphelin

C’est donc un ministère orphelin qui a souffert d’un manque de leadership. Aucun ministre n’a fait plus de deux ans à ce poste depuis 2003. Pourtant, l’agriculture est un grand contributeur économique, avec des revenus annuels de 7,5 G$ et 400 000 emplois.

Le monde agricole attendait de Pierre Corbeil qu’il accouche d’un livre vert avec de la substance, et qui allait aborder les vrais enjeux de l’industrie agroalimentaire. La question n’était pas de savoir si les Québécois aimaient manger bio, mais plutôt de définir clairement les règles du jeu pour permettre une plus grande marge de manœuvre aux producteurs soumis à de fortes pressions provenant des transformateurs, des distributeurs et des grands intégrateurs.

De toute évidence, si l’on en juge par les commentaires négatifs formulés en juin 2011 lors du dépôt de ce document de consultation, l’ébauche de politique du ministre de l’Agriculture ne répondait pas aux attentes et ils ont été nombreux à déplorer son manque de profondeur. Les producteurs, les transformateurs, et tous ceux qui gravitent au sein et en périphérie de l’industrie agricole, croyaient à tort que le livre vert allait contenir des éléments de réponse. Mais il n’en fut rien. Au contraire, tout ce beau monde a été invité à participer à une nouvelle ronde de consultations, sans grand enthousiasme cependant.

Compléter l’exercice

Ces consultations ont débuté en septembre, à Québec, lors des travaux menés par la CAPERN, la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles. Or, à peine venaient-elles de débuter qu’elles ont été aussitôt « interrompues temporairement » pour permettre l’étude de projets de loi considérés comme plus urgents, qu’on pense au projet de loi 21 sur la Régie des marchés agricoles et au projet de loi 14 visant à moderniser la vieille Loi sur les mines.

Les consultations sur le livre vert reprendront, normalement le 17 janvier 2012. Mais la commande est grosse : la CAPERN devra éplucher environ 200 mémoires, et nombreux ceux qui croient que la Commission manquera de temps pour compléter l’exercice.