Actualités 8 juillet 2016

L’irrigation intelligente permet des gains majeurs – Partie 2

Lire la Partie 1 

Adaptation à la réalité des maraîchers

Le logiciel propose une irrigation « idéale », mais il faut adapter le tout à la réalité des travaux de la ferme. « Quand les maraîchers désherbent, il faut arrêter », indique Jean Caron. Les décisions du logiciel allaient parfois à l’encontre de l’expérience passée des producteurs. « Il y a eu beaucoup de discussions. On n’était pas toujours d’accord », explique Denys Van Winden, qui rappelle que les maraîchers avaient en tête les dégâts de l’ouragan Irène et voulaient éviter de mettre trop d’eau et de provoquer des maladies.

« Au début, les laitues jaunissaient », se souvient Stéphane Van Winden, qui admet aujourd’hui que les décisions étaient souvent prises « au pif » par le passé et que le nouveau système permet une meilleure régularisation des récoltes, ce qui facilite la vente. « Avant, on irriguait juste au semis, sauf une fois en 25 ans, et mon père avait dit : “Plus jamais!” », se souvient Marc-Olivier Hotte.

Gains importants

Une bonne partie de la laitue produite par les fermes de Vegpro sert à la transformation et est donc vendue au kilo, pas à la pomme. La grosseur des pommes de laitue vendues pour le marché frais varie souvent dans l’année. Avec la vente au kilo, ce sont les revenus qui varient si la croissance des plantes n’est pas uniforme et suffisante.

Le gros gain demeure un meilleur contrôle de la brûlure de la pointe, qui passe de 37 % à 5 %. « Si un soir on ne pouvait pas charger quatre camions à cause du tip burn, notre acheteur sur la côte Est devait faire venir de la laitue de Californie », illustre Marc-Olivier Hotte, des Fermes Hotte et Van Winden. L’usine du transformateur pouvait alors être forcée d’arrêter temporairement sa production, ce qui était mauvais pour les relations d’affaires. La qualité et le volume sont maintenant plus constants avec l’irrigation contrôlée. « Une année sur deux, c’est vraiment plus payant », explique Jean Caron.

Chez Delfland et aux Fermes Hotte et Van Winden, on estime pouvoir récupérer de 10 à 20 % de production supplémentaire, soit en évitant le déclassement, soit par des volumes plus importants à la base. 

Le coût du système est cependant un frein à une conversion rapide de toutes les terres. En plus du logiciel et des tensiomètres, il faut dans plusieurs cas augmenter la capacité d’irrigation si l’on veut pouvoir répondre aux prescriptions du système. Jonathan Guérin évalue les coûts en tensiomètres et en antennes à près de 100 000 $ pour 250 hectares de laitue. Il estime par ailleurs que l’équipement d’irrigation a été augmenté de 40 % pour répondre aux recommandations du programme, ce qui représente un montant de 200 000 $ environ pour la même superficie. Ce montant ne tient pas compte du temps de travail et du diésel qui est nécessaire pour déplacer et faire fonctionner l’équipement d’irrigation. Le logiciel comme tel n’est pas encore commercialisé.

Les plus petites fermes peuvent aussi manquer de temps pour gérer les décisions d’irrigation de façon optimale avec le logiciel. « Ça prendrait une nouvelle ressource », estime Denys Van Winden. En attendant, ce sont les producteurs qui doivent prendre les décisions tout en faisant un autre travail à la ferme. Une application mobile du logiciel est prévue et devrait aider à régler en partie ce problème de logistique.

Pour les plus grosses fermes où plusieurs employés occupent des postes clés, le logiciel d’irrigation permet de communiquer l’information sur la façon de gérer l’eau sans devoir transmettre des années d’expérience d’un coup. Ce point est jugé particulièrement important par Stéphane Verner, gérant de ferme à Vert Nature, qui emploie parfois jusqu’à 150 travailleurs étrangers dans la saison.

Le logiciel AGIRRSOL peut également permettre des gains dans d’autres cultures pour lesquelles l’irrigation est moins vitale que pour la laitue. Dans les oignons, par exemple, une irrigation appropriée au moment de la bulbaison permet de meilleurs rendements. Une fois en place, le système peut donc servir à améliorer plusieurs productions si la capacité d’irrigation le permet.